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voile blanc qui les cache de la tête aux pieds. Mais dans leur intérieur, le voile disparaît ; souvent les robes en font autant ; le costume des femmes se compose alors du casque avec son encadrement métallique, d’une sorte de légère casaque et d’un gros pantalon qui ne gênant en rien leurs mouvemens, leur permet de prendre les postures les plus souples et les plus orientales.

L’église de Sainte-Marie ou de la Nativité de Jésus, située à l’extrémité orientale de Bethléem, est entourée de plusieurs constructions qui en dissimulent la forme. On sait que l’intérieur est fort remarquable et qu’il le serait plus encore s’il n’avait été défiguré par des clôtures qui cachent le chœur, le transept et les absides. Il est formé de cinq nefs séparées par quatre rangées de colonnes monolithes d’une teinte rouge veinée de blanc qui produit l’effet du marbre. En descendant un petit escalier, on se trouve dans la grotte de la Nativité, laquelle ressemble beaucoup aux chapelles du Saint-Sépulcre. Sa longueur est de 12 mètres ; sa largeur, de 3 à 4 mètres seulement. Elle est taillée dans le roc, mais le pavé et les parois en sont recouverts de marbre blanc. Une quantité de lampes l’éclairent et l’échauffent d’une manière peu agréable ; sous un petit autel, ou plutôt une sorte de table de médiocre apparence, un trou pratiqué dans une pierre de couleur bleuâtre est entouré d’une étoile en argent portant l’inscription :


HIC DE VIRGINE MARIA JESUS CHRISTUS NATUS EST.


La première fois que j’ai vu cet emplacement plus ou moins remarquable de la naissance de Jésus, on y célébrait je ne sais quel office copte ou arménien. Il est difficile de s’habituer à la saleté de certains clergés orientaux, ainsi qu’à la tournure des fidèles de certaines communautés. Toute la poésie de l’évangile disparaît en présence d’un prêtre revêtu d’ornemens gluans qui exécute les plus étranges simagrées en présence de quelques chantres nasillards, dont les costumes ne sont pas moins gluans que ses ornemens. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi c’est dans une grotte qu’on montre le berceau de Jésus, car l’évangile ne parle que d’une étable. Mais il faut bannir de son esprit toute velléité critique lorsqu’on se rend en Palestine. J’admets donc sur parole que Jésus est né à la place de l’étoile d’argent qui porte l’inscription que je viens de transcrire ; j’admets également qu’il a été couché à quelques pas de là sur une plaque de marbre blanc qui représente la crèche. Pourquoi douter également qu’une ouverture pratiquée à quelque distance ait été jadis, une source que le Père éternel fit jaillir du rocher pour l’usage