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plus précieux encore. On a trouvé dans quelques-unes des merveilles d’art et d’élégance qui ne peuvent pas venir de la Gaule, qu’on n’a pas fabriquées à Bibracte ou à Avaricum. Il faut bien, puisque les Gaulois en étaient possesseurs, qu’ils les aient prises quelque part. Nos aïeux, comme on sait, étaient d’intrépides pillards. Par les Alpes, qui ne les arrêtaient guère, ils se jetaient de temps en temps sur la Grèce et sur l’Italie. Ces contrées heureuses, pleines de temples et de palais, exerçaient un grand attrait sur eux ; les temples surtout, où depuis des siècles la superstition avait entassé tant de trésors, tentaient beaucoup leur cupidité. Ils avaient la réputation d’être fort dévots, mais ils étaient encore plus avides. C’est ainsi qu’ils allèrent rendre visite à Jupiter du Capitole, et à Apollon de Delphes. Plus tard, l’orgueil national des peuples et la vanité des prêtres, qui ne voulaient pas avouer que leur dieu n’avait pas su se défendre, inventèrent de merveilleuses histoires dans lesquelles les pillards finissaient par être vaincus à leur tour et dépouillés. Il est beaucoup plus vraisemblable qu’ils revinrent chez eux avec leur riche butin. C’est ainsi que quelques-uns des objets qu’ils avaient rapportés de leur voyage se sont retrouvés dans leurs tombes. On peut voir, au musée de Saint-Germain, la reproduction très habilement faite d’un trépied qui est un des beaux ouvrages de l’art antique et dont le pareil est conservé au Vatican. Il était enfermé dans une sépulture qu’on a découverte à Dürkheim, près de Spire. Le Gaulois qui l’avait pris, tout barbare qu’il était, devait en sentir confusément la beauté, puisqu’il avait voulu le garder à ses côtés après sa mort. Une autre tombe de la même région contenait des morceaux de poterie noire avec des figures rouges. C’étaient les fragmens d’un vase qui, restauré par le directeur du musée de Mayence, le docteur Lindenschmidt, passa sous les yeux de M. de Witte, le savant du monde le plus fort sur la céramique ancienne, et celui-ci, du premier, coup, en reconnut la provenance et en fixa la date. La forme du vase, le caractère du dessin, ne laissent aucun doute ; il a été fabriqué en Étrurie, vers la fin du IVe siècle avant notre ère. C’est justement l’époque de la grande invasion gauloise qui prit et brûla Rome. Est-il trop téméraire de croire qu’il pouvait appartenir à quelque compagnon de Brennus, qui, pendant qu’il revenait chez lui avec l’or de Camille, l’enleva sur son passage dans quelque ville d’Étrurie ? S’il en est ainsi, ce vase est le souvenir vivant de la plus brillante équipée de nos pères ; c’est un témoignage de cet esprit d’aventure, une de nos passions les plus tenaces, qui nous a menés dans tant de pays, mais qui, par de tristes retours, a quelquefois mené l’étranger chez nous.

Ces divers objets remplissent trois salles (les VIe, VIIe, VIIIe), qui