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imposé, notre histoire n’y est figurée que par des statues et des tableaux ; on n’y voit pas ces mille détails d’habitations, d’armes, de vêtemens, etc., qui remettent si clairement le passé sous les yeux du public. On a essayé de le faire, d’une façon fort incomplète, pour le moyen âge et la renaissance, au musée de Cluny ; mais les temps antérieurs au moyen âge, l’époque gauloise et gallo-romaine, ont été jusqu’ici tout à fait négligés. Il importait cependant que cette période lointaine de notre histoire ne fût pas entièrement ignorée, et il n’était pas sans intérêt de mettre les Français d’aujourd’hui en communication avec leurs plus anciens aïeux, auxquels ils ressemblent plus qu’ils ne le croient. On y songea sérieusement pour la première fois il y a une vingtaine d’années. A ce moment, César était fort à la mode ; l’engoûment qu’on ressentait pour lui profita aux Gaulois ses ennemis. Le nom de Vercingétorix, oublié depuis dix-neuf siècles, fut remis en faveur, et on lui éleva une statue sur les hauteurs d’Alise. Ce qui valait encore mieux, on chercha quelque moyen de rappeler à des descendans trop distraits le souvenir d’ancêtres auxquels ils ne songeaient plus guère. Précisément on restaurait alors à grands frais le château de Saint-Germain, qui tombait en ruines, et l’on se demandait ce qu’on en pourrait faire quand il serait réparé. Après quelques hésitations, on se décida à y installer un musée gallo-romain. Mais ce n’était rien d’avoir décrété la fondation du musée, il fallait savoir ce qu’on y mettrait et de quelle manière on parviendrait à remplir ces grandes salles vides. On tâtonna jusqu’au jour où M. Alexandre Bertrand fut mis à la tête de l’entreprise. Il était impossible de faire un choix plus heureux. Le nouveau directeur se consacra tout entier à la tâche qu’on lui confiait, et l’on peut dire que le musée est son œuvre. Depuis plus de quinze ans, il suit de loin toutes les fouilles qui s’exécutent, et lorsqu’il sort du sol quelque monument qui intéresse notre histoire, il essaie de lui faire prendre la route de Saint-Germain. Ceux de l’étranger, quand ils peuvent servir à faire comprendre les nôtres, sont reproduits par de fidèles moulages. On se contente de dessiner les moins importans sur les pages blanches de meubles à volets que tout le monde peut consulter. C’est ainsi que peu à peu des richesses de toute sorte se sont amassées dans ces vastes salles ; et ce qui est plus remarquable encore que leur nombre, c’est la façon habile et savante dont on les a disposées. Elles figurent chacune à leur rang, classées d’après un ordre logique et rigoureux qui fait qu’elles s’éclairent l’une l’autre, qu’elles expliquent ce qu’on ne comprenait pas quand elles étaient isolées, et conduisent comme par la main de siècle en siècle pendant ces âges obscurs où s’est formée la France. Quoiqu’il reste encore beaucoup de lacunes à combler, bien