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quartier que l’on voulait créer, on construisait des murs très épais en briques crues, qui s’allongeaient sur le sol, à une certaine distance les uns des autres, en lignes parallèles ; on en bâtissait d’autres qui étaient perpendiculaires aux premiers, de manière à dessiner sur le terrain une sorte de damier ; on remplissait ensuite les intervalles avec de la terre, avec de la pierre, avec tout ce que l’on avait sous la main. C’était sur cette espèce de socle que posaient les fondations des édifices. La maison trouvait là une base solide que ne lui eût pas fournie la terre meuble de la plaine ; elle y gagnait aussi en agrément et en salubrité. C’est ainsi que paraissent avoir été construites les villes de Memphis et de Thèbes.

En général, c’est là tout ce que tranchées et sondages ont permis de constater ; les matériaux dont se composaient les maisons sont tombés en poussière ou bien ont été employés à nouveau, tant qu’ils ont pu servir, par les générations qui se sont succédé sur cette terre toujours habitée, toujours populeuse. Ce qui a encore contribué à rendre cette destruction plus rapide et plus complète, c’est l’habitude qu’a le fellah d’exploiter à sa manière tous les tertres où il reconnaît la trace d’anciennes demeures ; il en tire une terre très riche en débris organiques dont il fait grand cas comme engrais et qu’il répand sur ses cultures.

Le seul point de la vallée du Nil où se laissent encore distinguer quelques traces des dispositions de la ville antique, c’est l’emplacement de la capitale que s’était bâtie Aménophis IV quand il avait quitté Thèbes et son dieu Ammon[1]. Selon toute apparence, cette capitale, qu’un caprice royal avait fait naître, aurait été abandonnée bientôt après ; on ne sait même pas le nom qu’elle portait, et depuis lors il n’y a jamais eu près de là que de petits villages qui n’ont pas suffi à détruire les restes des bâtimens. Ceux-ci, comme le montre une planche de Prisse, couvrent encore le sol de leurs décombres ; ils sont tous en briques. On a pu relever, en gros tout au moins, le plan de quelques-unes de ces habitations ; mais ce que l’on reconnaît le mieux, c’est la direction des voies de la cité d’Aménophis. Il y a une grande rue parallèle au fleuve et qui est large

  1. Quand, à l’exposition universelle de 1878, Mariette avait restauré une maison égyptienne d’autrefois, les premières données du thème qu’il avait développé lui avaient pourtant été fournies par les vestiges d’une maison antique relevés par lui-même à Abydos. Le plan à terre de cette maison était marqué par des bases de murs dérasés à une hauteur d’un mètre au plus ; il s’en était servi pour établir l’ordonnance et les divisions de l’édifice. Le reste lui avait été fourni par les peintures et les bas-reliefs. Ce pavillon est figuré dans la Gazette des beaux-arts du 1er novembre 1878. M. à Rhone (l’Égypte antique) y analyse les principaux élémens que Mariette avait combinés dans cet essai de restitution.