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garantie d’intérêts ? Il ne saurait faire doute pour personne qu’avec l’offre d’une garantie d’intérêts, l’état eût obtenu, tant de la part des compagnies de chemins de fer que des entrepreneurs français et étrangers, tout le concours désirable. Il se serait ainsi déchargé de la tâche de réunir les capitaux que l’industrie se serait procurés sans peine par une voie à laquelle le public est habitué ; il n’aurait eu à inscrire au budget que les charges de la dépense réellement faite, et seulement à mesure que cette dépense se serait effectuée. Nos finances auraient échappé à l’obscurité et aux complications que fait naître la coexistence du budget ordinaire et du budget extraordinaire ; et l’état aurait conservé le bénéfice des bonnes chances qui se seraient rencontrées dans ces grandes entreprises. Si quelques-unes des lignes nouvelles étaient arrivées dans un temps assez court à couvrir leurs dépenses, cette progression de leurs recettes aurait allégé pour l’état la charge que leur construction directe va, au contraire, faire peser sur lui pendant soixante-quinze ans. La diminution constante des subventions que le trésor paie aux compagnies du chef des garanties d’intérêts est la preuve du sacrifice que l’état a fait et qu’il pouvait éviter. Ce n’est pas tout : non-seulement, il faudra payer immédiatement et intégralement les dépenses de construction ; mais il faudra assurer l’exploitation des lignes, soit en les annexant au réseau de l’état, soit en traitant avec les compagnies déjà existantes, et le trésor courra toutes les chances de leur mauvais rendement, exactement comme s’il les avait concédées à ces mêmes compagnies. Le système qu’on a adopté est, en réalité, beaucoup plus avantageux pour les compagnies que celui qu’il a remplacé. La garantie d’intérêts ne représentait, en effet, qu’une avance de la part de l’état, et les compagnies savaient qu’elles auraient à rembourser cette avance au moyen d’un prélèvement sur leurs bénéfices d’exploitation : la concession de lignes nouvelles, en mettant à leur compte toutes les mauvaises chances de ces entreprises, ne pouvait qu’aggraver leur fardeau éventuel. Elles sont déchargées de tout souci, à cet égard, puisqu’elles peuvent débattre les conditions auxquelles elles exploiteront les lignes que l’état construit. Elles n’ont pas non plus à se préoccuper des conditions auxquelles elles auraient à se procurer les capitaux nécessaires à la construction ; et si l’on veut réfléchir qu’aujourd’hui l’amortissement des obligations, à raison de l’abréviation de la période dans laquelle il doit s’opérer, ne représente pas moins de 1 franc par titre, on comprendra qu’elles doivent se féliciter de n’avoir plus d’emprunts à contracter et de voir approcher le jour où la décroissance rapide de leurs charges aura pour conséquence naturelle une progression correspondante de leurs dividendes.