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budget de 1882 va être voté au chiffre de 559 millions : ces deux budgets n’ont d’autre aliment prévu que la dette flottante ; il faudra donc dans les derniers mois de 1882 ou dans les premiers mois de 1883, au plus tard, émettre un nouvel emprunt de 1 milliard pour consolider, au moins en partie, les emprunts à court terme qu’on aura contractés dans l’intervalle, à mesure des besoins du trésor. L’époque précise de ce nouvel emprunt dépendra évidemment des circonstances et de la situation du marché ; mais elle ne pourra être reculée au-delà d’avril 1883, sous peine de laisser prendre à la dette flottante des proportions dangereuses. En effet, en dehors de la portion de cette dette qui a été consolidée ou qui va l’être sous forme de rente amortissable, il y a encore en circulation des engagemens du trésor de diverses formes et de diverse origine qui ont été évalués par M. le ministre des finances à 984 millions. Il n’y a point à compter, pour l’extinction d’aucune partie de cette dette, sur les excédens de recettes, malgré la progression du revenu public, parce que les crédits supplémentaires progressent plus rapidement encore. A l’heure actuelle, 65 millions de ces crédits ont déjà été demandés pour 1881, dont 32 millions quelques semaines à peine après l’ouverture de l’exercice. Un nouvel emprunt de 1 milliard, dans les premiers jours de 1883, laissera donc encore le trésor en face d’une dette flottante d’au moins 1 milliard. Au début de l’année 1880, la dette flottante de l’Angleterre approchait de 750 millions. M. Gladstone considérait ce chiffre comme excessif ; il adressait à ce sujet de vives critiques au chancelier de l’échiquier, et sir Stafford Northcote reconnaissait que la prudence lui commandait d’aviser.

Au sein du corps législatif, on paraît être moins timide. M. de Freycinet avait parlé de dépenser li milliards en dix années : encore ajoutait-il cette réserve, qu’il serait toujours possible de réduire la dépense à faire dans un exercice si le fardeau devenait trop lourd pour les finances. Non-seulement on a porté la dépense annuelle au-delà d’un demi-milliard, mais on prévoit la prolongation presque indéfinie de l’ère des dépenses extraordinaires. Il a été question, dans la discussion du budget, d’affecter encore 7 à 8 milliards aux travaux publics, comme de l’emploi le plus judicieux que le pays puisse faire de ses ressources. La France, si riche qu’elle soit, est-elle en mesure d’ajouter tous les deux ans 1 milliard à sa dette et de 70 à 80 millions à ses charges permanentes ? De l’aveu de M. le ministre des finances, de 1876 à 1880, la dépense totale a été de 16 milliards 350 millions et a dépassé d’environ 2 milliards les recettes réalisées. Le budget ordinaire de 1882 a été présenté au chiffre de 2 milliards 839 millions ; si on ajoute à cette somme celles qui sont inscrites aux budgets annexes, savoir 559 millions au