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nous occupe ; chez Hugo, tout au contraire, la forme prédomine, et parfois il arrive que cette large et puissante forme sonne creux, le soleil a beau ne pas se montrer, la statue de Memnon chante encore, chante toujours, l’air continue à débiter des symphonies, mais ce ne sont là que rythmes vains et bruits perdus. Il semble alors que le poète n’obéisse qu’aux mots ; c’est l’assonance qui le mène à l’idée ; comme les musiciens auxquels un accord frappé au hasard sur le clavier procure un soupçon de mélodie. Hugo par momens, cesse de gouverner les mots, il en devient l’esclave. Si Victor Hugo n’avait mis tant d’artifice au service de sa force, où en serait-il ?

Musset, dès son premier essor, reconnaît l’obstacle et le brise.

Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères,
Ces larmes que soulève un cœur encor blessé !
Ne les essuyez pas, laisses sur mes paupières
Le voile du passé.
Je ne viens point jeter un regret inutile
A l’écho de ces bois, témoins de mon bonheur.
Fière est cette forêt dans sa beauté tranquille,
Et fier aussi mon cœur.
Voyez, la lune monte à travers ces ombrages,
Ton regard tremble encor, belle reine des nuits ;
Mais du sombre horizon déjà tu te dégages
Et tu t’épanouis !
Ainsi, de cette terre humide encor de pluie,
Sortent sous tes rayons tous les parfums du jour.
Aussi calme, aussi pur de mon âme attendrie
Sort mon ancien amour.


De pareils vers ne se font pas ; ils jaillissent, la rime y devient ce qu’elle peut, n’importe. Chez Musset, elle est d’ordinaire mauvaise, souvent détestable, par exemple quand il affecte de ne pas rimer ; car, avec ce diable d’homme, il faut toujours s’attendre à quelque attitude. Un autre vous dirait : « J’ai réfléchi, j’ai essayé, et j’ai dû passer outre à cause du mouvement de mon inspiration, qui ne pouvait se faire à cette gêne. » Lui, point ; réfléchir à son art, il ne s’occupe que de cela, et personne n’en discutera plus à fond la science, seulement son dandysme s’oppose à ce qu’il l’avoue ; s’il ne rime pas, c’est de parti-pris, uniquement pour jouer un tour à ses bons amis les romantiques et taquiner Victor Hugo. En veut-on une preuve ? les Contes d’Espagne nous l’offriront. Tout le monde sait par cœur la chanson qui débute par ce couplet :