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du froid un préjugé fort ancien, c’est que les points relativement le plus élevés d’un pays donné doivent ressentir, surtout pendant la nuit, la température la plus basse. Or l’observation a démontré précisément le contraire, il y a longtemps déjà, grâce aux travaux d’un naturaliste bien connu des lecteurs de cette Revue, M. Ch. Martins. Le réchauffement nocturne de la température avec la hauteur est un des faits les mieux constatés par les progrès de la météorologie moderne. Partout où a sévi le dernier grand hiver, c’est dans les vallées, et surtout dans les vallées étroites, que le froid a été le plus intense. Avec des thermomètres à minima installés par M. Renou, M. Nouel a constaté des températures ; de — 22, °, — 25°, — 28° et — 30° ; à Fontainebleau, où le climat est plus oriental, partant plus extrême, M. Croizette-Desnoyers a noté — 32°. Les météorologistes ont cherché à expliquer la cause du refroidissement spécial des bas-fonds : l’air dont la température s’est abaissée pendant la nuit, à cause de son contact avec le sol glacé, devient, disent-ils, plus lourd, et s’écoule en vertu de son poids, vers les parties déclives, en formant de véritables courants gazeux. Cette explication séduisante n’a pas encore triomphé de toute contestation, mais le fait lui-même est malheureusement hors de doute, et dans l’exploration qu’ils viennent de faire, les membres, de la société en ont plus d’une fois constaté la triste réalité. La magnifique futaie du Bas-Bréau, si connue des peintres, qui a fait la renommée du hameau de Barbizon, s’élève sur un terrain bas, et elle a particulièrement souffert, Un autre fait moins facile à comprendre, c’est que les arbres ont été d’autant plus profondément atteints que dans le sol où ils croissent le sable a les grains plus gros. L’exposition est encore un facteur important dans l’ensemble des effets produits : sur les pentes exposées au midi, les désastres sont plus grands parce que le dégel est plus rapide. Enfin pour certaines ! espèces buissonnantes, l’abri a joué un rôle important, pour la lauréole par exemple, qui a gelé à — 22° dans les espaces découverts.

Quant à la nature des végétaux sauvages ou cultivés tués par la rigueur du froid, il faut distinguer d’une part les céréales et les plantes herbacées, d’autre part les espèces ligneuses. Les céréales, au rebours des arbres, ont plus souffert sur les lieux élevés que dans les bas-fonds, parce que la neige est leur meilleure défense contre la gelée, et que, sur les points découverts, cette neige était souvent balayée par le vent, laissant la terre sans protection. Beaucoup de plantes herbacées ont trouvé comme les céréales un abri sous la neige, mais celles qui croissent à nu sur les murailles ou le long des rochers ont succombé, par exemple la linaire des murailles (Linaria Cymbalaria), la giroflée jaune et la pervenche. Une loranthacée, dont l’histoire est célèbre et dont l’existence dépend de