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sa vie. La plante est son unique objectif : ses pensées, ses actions, tout est conçu et dirigé pour la récolte, tout jusqu’à son costume, surchargé d’engins multiples. A la tenue classique du chasseur s’ajoutent les boîtes de toute grandeur, cylindriques ou mieux plates et carrées, où gisent, en attendant la récolte, la carte et la flore du pays ; les registres de papier buvard, presses portatives entourées-de toile cirée ou d’un grillage métallique ; les gourdes où clapotent suivant le goût de chacun l’eau-de-vie, le rhum, le café ou l’élixir de coca ; puis la série des instrumens spéciaux, le déplantoir, la houlette, le piochon, sans compter les loupes, les réactifs propres à déceler la nature d’une roche ou celle du tissu d’un lichen, ou à combattre dans la plaie même le venin de la vipère ; enfin les tubes contenus dans une gibecière spéciale et destinés à renfermer dans l’eau de chaque mare les algues microscopiques de cette mare : tel est l’équipage varié au gré de chacun qui se montre dans les rues des villes surprises, tantôt honorablement maculé par l’usage, tantôt, au contraire, tout battant neuf sur les épaules de quelques néophytes. Ceux-ci en effet sont les bienvenus à ces réunions confraternelles, et ils peuvent s’y rendre sans rougir d’une science à peine ébauchée ; ils repartiront au bout de quelques jours les mains pleines d’échantillons rares, et la mémoire riche de notions exactes ; ils auront acquis des trésors plus précieux encore, ce sont des relations nouvelles. Désormais, au lieu de peiner pendant des journées entières, à grand renfort de clés, pour nommer avec peu de certitude les plantes de leurs récoltes, ils savent à quelle autorité bienveillante ils pourront s’adresser pour résoudre en quelques minutes les difficultés qui les arrêtaient. Si les anciens sont heureux de cette occasion de former des jeunes, ils ne le sont pas moins de se retrouver entre eux, de se communiquer des idées, des découvertes inédites. De là ces entretiens intimes, ces groupemens par « affinités naturelles, » soit entre vieux amis, soit entre savans qui cultivent une même branche de la science : entretiens et groupemens qui se continuent dans les allées des bois, à travers les tourbières des marais ou les herbages des prairies, le long des dunes de l’Océan ou des glaciers des Alpes, enfin dans les jardins d’amateurs privilégiés et jusqu’à la table des hôtels, et qui donnent à chacune de ces sessions l’aspect enjoué d’une fête de famille.

Cette année, la session de Fontainebleau empruntait un intérêt spécial à la région qui en était le siège, et qui a tous les caractères d’une région naturelle par son sol, son climat et ses productions.

Pour faire clairement comprendre ce qu’est le sol de Fontainebleau, quelques mots de géologie sont indispensables. Comme l’a fort bien exposé M. le professeur Bureau dans une conférence qui a été comme la préface de la session, le terrain connu sous le