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Ainsi « le grand édifice promis depuis longtemps à l’impatience des Français » allait recevoir son couronnement. Aux anciens collèges « contre lesquels réclamait la philosophie depuis tant de siècles, » la révolution substituait enfin un vaste ensemble d’écoles où les sciences, la grammaire générale, l’histoire, le droit, l’économie politique devenaient les principaux objets d’étude. Il ne fallait plus désormais « d’écoles secondaires. » Cette instruction « aristocratique » n’avait plus aucune utilité par suite « de l’étendue qu’on avait donnée aux écoles ouvertes à l’enfance. » C’est en ces termes que Lakanal s’exprime dans son rapport, et tel est le but que le comité d’instruction publique assignait ambitieusement à sa nouvelle création. Dans sa pensée, les écoles centrales n’étaient pas seulement destinées à remplacer les collèges ; ces établissemens « régénérateurs » devaient surtout offrir « aux jeunes citoyens exceptés par la nature de la classe ordinaire, une sphère où leurs talens pussent prendre l’essor. »

L’école des langues orientales vivantes. — Vers le même temps et sur le rapport du même Lakanal (10 germinal an III), s’ouvrait l’école des langues orientales vivantes, « d’une utilité reconnue pour la politique et le commerce, » à savoir : l’arabe, le turc, le tartare de Crimée, le persan et le malais. L’étude de la plupart de ces langues n’était pas, à vrai dire, une innovation ; il y avait longtemps qu’elles étaient enseignées au Collège de France, lequel par parenthèse n’avait pas interrompu ses cours. Mais l’infatigable Lakanal pensa non sans raison, et la convention fut de son avis, que « cette branche d’enseignement serait mieux placée à la Bibliothèque nationale. » Là seulement se trouvaient les manuscrits et les imprimés nécessaires aux professeurs aussi bien qu’aux élèves. Là, par conséquent, devait s’élever « le monument destiné à l’enseignement public des langues orientales. »

Le décret du 3 brumaire an IV. — Cependant les événemens se précipitaient : encouragée par la popularité que ses premiers actes avaient rencontrée dans le pays, la réaction thermidorienne poursuivait énrgiquement son œuvre réparatrice. En quelques mois elle avait épuré le comité de salut public, fermé les Jacobins, rappelé dans la convention les survivans de la gironde, déporté les plus marquans de leurs proscripteurs, Collot d’Herbois, Billaud, Barère, et détruit par ces coups répétés toute la force du parti montagnard. Elle allait bientôt s’attaquer à la constitution de 1793 elle-même et tenter de substituer au gouvernement révolutionnaire un régime moins anarchique. Une commission de onze membres avait été nommée pour préparer de nouvelles lois organiques, et cette commission, composée de membres de la droite et du centre, avait reçu