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littéralement comblée. Concours public ouvert dans les vingt-deux principales villes de la république pour l’examen des candidats, gratuité de l’enseignement, traitement de 1,200 francs par an aux élèves, maîtres éminens et largement rétribués, tout fut mis en œuvre pour lui donner, dès le principe, beaucoup de vogue et d’éclat.

Le décret du 27 brumaire an III. — Après le 9 thermidor, une nouvelle majorité composée de la plaine, des débris de la Gironde et des déserteurs de la montagne, tels que Barras et Tallien, s’était formée dans la convention. On devait conséquemment s’attendre à voir reparaître les projets que l’influence de Robespierre avait fait écarter. Au nombre de ces projets se trouvait celui que Lakanal avait rédigé de concert avec Sieyès et Daunou. Il le reprit après y avoir introduit quelques modifications[1], et la convention le vota ; c’est le décret du 27 brumaire an III.

On connaît déjà, la substance de ce décret[2] : les écoles primaires divisées en deux sections, l’une pour les garçons, l’autre pour les filles, et distribuées à raison d’une par mille habitans ; les maîtres élus et surveillés par un jury d’instruction[3] composé de trois membres désignés par l’administration du district et pris hors de son sein parmi les pères de famille, les traitemens fixés pour les hommes à 1,200 francs, pour les femmes à 1,000 francs ; les matières d’enseignement déterminées ainsi qu’il suit : la lecture, l’écriture, la déclaration des droits de l’homme et la constitution, les élémens de la langue française, les règles du calcul simple et de l’arpentage, quelques notions d’histoire naturelle, enfin la récitation des actions héroïques et des chants de triomphe. »

Ces dispositions différaient entièrement de celles que la convention avait adoptées quelques mois auparavant. Aussi le projet de Lakanal souleva-t-il une assez vive opposition. On lui reprocha d’engager la république dans une voie ruineuse en mettant à la charge de l’état les frais d’établissement d’un trop grand nombre d’écoles[4] et en substituant au système de la rétribution par tête d’élève : celui des traitemens fixes. L’objection n’était pas sans valeur et la réponse qu’y fit Lakanal fut assez embarrassée : « J’entends, dit-il, une objection : l’exécution de notre projet grèverait d’une dépense énorme les finances de la république. Je réponds, que, si la loi portée pour l’organisation des écoles primaires (celle du 29 frimaire an II) avait

  1. Notamment en ce qui concerne rétablissement d’une commission centrale.
  2. Voyez la Revue du 15 juin.
  3. Le bureau d’inspection de l’ancien projet.
  4. D’après les calculs de Lakanal lui-même, la dépense se serait élevée à 54,600,000 livres.