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publique. Autrefois, les états qui tenaient à l’art de guérir ne pouvaient être exercés qu’avec des patentes et brevets accordés, les uns par les universités, les autres par le premier chirurgien du roi. Il est vrai que les études seules ne donnaient pas ces titres, qu’il fallait encore les payer. L’abus était dans la vénalité ; l’institution était salutaire. C’est cette garantie qu’il est urgent de rétablir sous telle forme que les circonstances permettront et que la sagesse du ministre voudra adopter. »

Mais c’était surtout aux armées que se faisait sentir le besoin de praticiens instruits : et qu’en était grande la pénurie. « Les nombreux bataillons chargés du soin de la défense de la liberté et de l’égalité, exigeaient à leur suite une grande quantité d’hôpitaux, » et dans ces hôpitaux étaient employés « plusieurs milliers d’officiers de santé » qu’il fallait remplacer en cas de mort ou de maladie grave. En moins de dix-huit mois, — c’est Fourcroy qui parle, — plus de six cents de ces malheureux avaient péri et le moyen d’en former de nouveaux manquait « presque entièrement dans les différentes parties de la république. »

Il fallait pourtant trouver ce moyen sous peine de voir le découragement et la démoralisation pénétrer dans l’armée. La convention le sentit, et c’est pourquoi, tandis qu’elle négligeait complètement les études de droit, elle s’appliqua d’assez bonne heure à rétablir celles de médecine. Le 14 frimaire an III, un décret, rendu sur le rapport de Fourcroy, créait à Paris, à Montpellier et à Strasbourg trois écoles « destinées à former des officiers de santé pour le service des hôpitaux militaires et de la marine. » Ce même décret disposait qu’il « serait appelé de chaque district un citoyen de dix-sept à vingt-six ans, » que trois cents de ces jeunes gens seraient versés dans l’école de Paris, cent cinquante dans celle de Montpellier et cent dans celle de Strasbourg, et qu’un traitement de 1,200 francs leur serait alloué.

Le nombre des professeurs était fixé pour Paris à douze, pour Montpellier à huit et pour Strasbourg à six.

Quant aux études, elles devaient être « encyclopédiques, » c’est-à-dire embrasser « toutes les connaissances relatives à l’art de guérir » et comprendre à la fois la pratique et la théorie, double innovation, la seconde surtout, d’une importance capitale. Le décret du 14 frimaire an III marque, en effet, d’une façon bien nette et bien tranchée dans l’histoire de la médecine. C’est proprement pour cette science le point de départ d’une ère nouvelle. Dans l’ancienne organisation des études, des branches entières de connaissances, telles que la physiologie, l’histoire naturelle et la chimie, n’étaient même pas représentées ; elles occuperont désormais une place importante.