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les chemins de fer ont abaissé ce prix à 0 fr. 05 en moyenne, les rivières et les canaux peuvent le réduire de moitié, et la tonne kilométrique peut être transportée sur les voies d’eau à des prix qui oscillent autour de 0 fr. 02. Cette économie est la raison d’être des voies navigables ; et le bon aménagement de nos fleuves et de nos canaux doit en effet avoir pour conséquence inévitable de leur conserver et même de leur restituer cette partie considérable de trafic que l’acheteur n’attend pas à jour fixe, les bois, les houilles, les fontes, les fers, les minerais, les pierres et les matériaux de construction, les engrais et la plus grande partie des produits agricoles. « Les canaux et les chemins de fer, comme le disait excellemment M. Krantz dans le remarquable rapport qu’il adressait en 1874 à l’assemblée nationale sur les modifications à introduire dans le système de nos voies de navigation intérieure, les canaux et les chemins de fer n’ont pas les mêmes aptitudes, ne rendent pas les mêmes services, ne s’adressent pas à la même clientèle ; ils doivent coexister sans se nuire, et leur action réciproque doit être le concours et non la concurrence. »

Nulle part ces considérations générales ne trouveront une application plus heureuse que dans la vallée du Rhône. L’accès direct à la mer est pour un pays l’un des principaux élémens de sa richesse. Or cet accès est fermé aujourd’hui aux embouchures du Rhône ou tout au moins n’existe-t-il que d’une manière insuffisante, puisque le canal Saint-Louis ne rend encore aucun des services qu’on était en droit d’espérer de lui.

D’autre part, le bon sens public, mieux que tous les raisonnement et tous les calculs des théoriciens, des économistes et des ingénieurs, exige impérieusement que Marseille et Cette, nos deux grands ports de commerce de la Méditerranée, soient reliés à la vallée du Rhône de telle sorte que la batellerie du fleuve puisse venir transborder directement ses marchandises sur les navires de mer.

Le port de Cette doit, comme le port de Dunkerque, une grande partie de sa prospérité à ce qu’il est une tête de canaux ; il le sent très bien et son desideratum est d’être le plus tôt possible mis en communication permanente avec le Rhône. Le chemin est tout tracé ; il existe déjà un canal de navigation de Beaucaire à Aigues-Mortes, et ce canal est prolongé jusqu’à Cette par le canal de la Radelle et des étangs. Quelques travaux d’amélioration, d’élargissement, de réfection d’écluses permettront de donner satisfaction au vœu légitime du second port de la Méditerranée. C’est d’ailleurs un principe admis aujourd’hui que toutes les lignes d’intérêt général doivent être directement administrées par l’état. Le rachat du canal de Beaucaire s’impose donc à bref délai à la sollicitude du