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encore de voies de communication et menacé par les ensablemens. Mais il y a plus, et, quel que soit le mode de communication qui existe jamais entre le fleuve et la mer, l’avenir du Bas-Rhône est intimement lié à l’amélioration eu fleuve supérieur lui-même, et les bras maritimes ne cesseront de languir que le jour où la batellerie pourra faire entre Arles et Lyon un service régulier lui permettant de reconquérir une partie du trafic que les chemins de fer lui ont enlevé.

Ce jour ne saurait être éloigné. Malgré l’extension absorbante que les voies ferrées ont prise depuis une vingtaine d’années, et bien qu’elles aient détourné à leur profit la presque totalité des grands transports, il est certain que nos voies navigables en général, un moment injustement délaissées, sont destinées à jouer de nouveau un rôle considérable dans la production de la richesse du pays et qu’elles deviendront un auxiliaire principal de notre réseau de chemins de fer. La batellerie du Rhône en particulier, que le régime torrentiel et le mauvais état du fleuve non moins que la concurrence du railway avaient réduite à un état lamentable, se relèvera rapidement si l’en parvient à faire disparaître les hauts fonds qui entravent la navigation et lui occasionnent des chômages de plusieurs mois.

Il s’effectuera alors entre le Rhône et le chemin de fer de Lyon à la Méditerranée un partage naturel d’attributions. Au fleuve appartiendra l’écoulement de toutes les marchandises lourdes et de peu de valeur qui ne peuvent se déplacer qu’à peu de frais et ne donnent au chemin de fer que des bénéfices insuffisans, quelquefois illusoires, et l’encombrent plutôt qu’ils ne l’alimentent. A celui-ci revient de droit le transport des voyageurs, des messageries et tout le trafic peu encombrant qui réclame avant tout de la vitesse et de la régularité. Les voies navigables, écrivait récemment M. le ministre des travaux publics, remplissent une autre destination non moins précieuse ; elles contiennent, elles modèrent les taxes des marchandises qui préfèrent la voie ferrée ; elles sont pour l’exploitait du railway un avertissement salutaire de ne pas dépasser dans ses tarifs une certaine limite au-delà de laquelle le commerce n’hésiterait pas à sacrifier la régularité à l’économie. Elles sont, par cela même, bien plus efficaces que les voies ferrées concurrentes qui, luttant à armes égales, finissent généralement par s’entendre plutôt que de s’entraîner dans une ruine inévitable, tandis que la batellerie et le railway se distribuent naturellement te trafic qui leur est le mieux approprié.

Le coût de transport par voie de terre ne descendait guère autrefois en France au-dessous de 0 fr. 25 par tonne et par kilomètre ;