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dans la mosquée d’Omar la marque d’un pied de Mahomet sur une dalle de marbre ; on montre également un pied de Jésus-Christ dans la mosquée d’El-Aksa, à côté de la mosquée d’Omar, tous ces pieds, même lorsqu’ils appartiennent à la même personne, ont des dimensions fort différentes. Il n’importe ! chrétiens et musulmans les baisent avec la même ferveur, le même enthousiasme, y passent dévotement leurs mains qu’ils promènent ensuite sur leur visage et sur toutes les parties de leur corps.

Quand on remonte dans la mosquée, après avoir recueilli les souvenirs de la crypte, on est de nouveau frappé de la majesté de ce bel édifice, dont le premier aspect étonne, mais dont l’examen attentif inspire une durable admiration. Il est formé de trois enceintes octogonales concentriques dont les plafonds à caissons et la coupole sont soutenus par des rangées de piliers et de colonnes du plus bel effet. Ces colonnes sont monolithes et du marbre le plus pur ? leurs hauteurs et leurs modules différens prouvent qu’elles proviennent de monumens antiques auxquels on les a enlevés. Les arcs en plein-cintre qui les surmontent sont recouverts de mosaïques d’une teinte générale vert sombre formant un fond excellent pour les grandes inscriptions en lettres d’or, les capricieuses arabesques, les sculptures et les peintures étincelantes qui circulent sur les murs, courent sur les riches panneaux du pourtour et gagnent jusqu’à la coupole, où elles se marient à de grands vases et à d’immenses gerbes d’épis et de fleurs. Toutes ces décorations, d’un art et d’un goût accomplis, sont noyées dans la plus délicieuse des lumières. J’avais souvent eu l’occasion d’admirer au Caire l’effet produit par les vitraux d’Orient ; mais, comme tout est en ruines ou en lambeaux en Égypte, il est impossible d’y rien voir d’aussi complet, d’aussi merveilleux que l’espèce de pénombre aux mille nuances dans laquelle est plongée la mosquée d’Omar. Les vitraux d’Orient ne ressemblent point aux nôtres : ce ne sont point des peintures exécutées sur verre par un pinceau varié et délicat. Formés de fragmens de vitres séparément unicolores, quoique différant sensiblement les uns des autres, réunis avec le sentiment le plus fin de l’harmonie des tons et des colorations, ils semblent n’avoir été faits que pour se jouer de la lumière et la nuancer de la manière la plus exquise. On sait d’ailleurs que ces vitraux ne sont pas montés en plomb ; ils sont encastrés dans un châssis de plâtre d’une assez grande épaisseur, découpé en dessins de tous genres représentant des fleurs, des arabesques, des inscriptions, des combinaisons d’ornemens d’une grâce d’une diversité inépuisables. Chaque morceau de verre se trouve donc entouré d’une monture dont la profondeur, comme l’a fort bien