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de l’espèce et à l’anéantissement de la vitalité dans l’empire et dans les individus. Arrivé à ce point, il s’arrête épouvanté et entreprend de rendre sa vigueur à l’homme romain et à l’empire. Voilà comment il faut l’envisager. »

« IDEE DE POEME : LA FORNARINE. — O maîtresse de Raphaël, tu le vis s’épuiser dans tes bras.

« Qu’as-tu fait, ô femme, qu’as-tu fait ? Une idée par baiser s’écoulait sur tes lèvres ! »

Elle s’endort dans les bras de Raphaël après qu’ils sont allés visiter la campagne de Rome. Elle rêve que ses idées, tuées par elle, viennent se plaindre ; les idées de Raphaël sont des tableaux sublimes, les personnages se groupent, puisse détachent en soupirant et reprennent leur vol vers le ciel.

« La Fornarina s’éveille, embrasse Raphaël ; il était mort. »

Nous savons de quel méchant renom jouissait près de lui la critique littéraire. Il ne veut point que, sous couleur d’avant-propos, tel rancunier épilogueur vienne attacher à son ballon une nacelle armée en guerre qui le fasse sauter. N’a-t-il pas sous les yeux une certaine préface placée en tête des Affinités électives, où le roman de Goethe est fort malmené ? C’est assez pour lui donner l’éveil et motiver la parabole qu’on va lire :

« LE CYGNE. — Si un serpent s’attache à un cygne, le cygne s’envole, emporte son ennemi roulé à son col et sous son aile.

« Le reptile boit son sang, le mord et lui darde son venin dans les veines.

« Il est soutenu dans l’air par le cygne, et de loin, à ses écailles vertes, à ses faux reflets d’or, on le prendrait pour un brillant collier.

« Non, il n’est rien que fiel et destruction, et il ramperait sur terre ou sous terre, il se noierait dans les bourbiers s’il n’était soutenu dans les hautes régions par l’oiseau pur et divin qu’il dévore.

« Ainsi l’impuissant Zoïle est porté dans l’azur du ciel et dans la lumière par le poète créateur qu’il déchire en s’attachant à ses flancs, pour laisser, fût-ce en lettres de sang, son nom empreint sur le cœur du pur immortel. »

« RACINE. — La chose dont je lui sais le plus de gré, ce n’est pas d’avoir écrit les chefs-d’œuvre d’Athalie, de Britannicus, d’Esther, etc.) c’est de n’avoir laissé de lui, après lui, que ces belles tragédies et pas une platitude de circonstance, comme firent Corneille même et Molière. Pas un madrigal honteux, pas une fadeur ; mais ; au contraire, de graves leçons comme

« …… Rois, craignez la calomnie,… etc. »