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le public sur le bonheur futur de la duchesse et de son ami… Et maintenant revenons à Madame de Chamblay.

M. de Chamblay et M. de Septmonts se ressemblent comme deux « vibrions » dans une goutte d’eau. Mme de Chamblay n’est pas moins malheureuse que la duchesse de Septmonts ; elle n’aime pas moins M. Max que la duchesse n’aime M. Gérard, ni d’un amour moins pur ni moins près d’être légitime. Cependant, il faut le dire, elle va se faire enlever ; la chaise de poste est attelée dans la cour du baron de Senonches, — lequel est ami de Max et loge fort à propos entre cour et jardin, — quand arrive la scène que je vous prie d’écouter. M. de Chamblay se présente chez le baron de Senonches pour payer une dette de jeu. Le baron, d’abord, refuse avec courtoisie de recevoir la somme. M. de Chamblay insiste ; alors le baron : « Eh bien ! monsieur le comte, puisque votre mauvaise fortune l’emporte sur ma volonté, je vais en appeler à vous-même, Si par hasard vous aviez joué avec un bandit et un meurtrier, que ce bandit eût perdu avec vous une somme de quarante mille francs qu’il n’avait point et que vous apprissiez que, pour la payer, il a été forcé de faire violence à une femme et de mettre le pistolet sur la gorge d’un homme, recevriez-vous l’argent qu’il vous apporterait et que vous sauriez venir de pareille source ? — Monsieur ! .. — Non, n’est-ce pas ? Vous voyez bien que je ne puis recevoir le vôtre. — Monsieur le baron, vous venez de me faire de parti-pris une de ces injures qui ne se lavent que dans le sang. — Monsieur le comte, je suis tout à votre disposition… La main de Dieu est dans tout ceci… Votre femme, une sainte créature, a été ruinée, violentée par vous, cela mérite justice ! Mon ami, une âme loyale, un cœur droit, a failli être assassiné par vous, cela mérite vengeance ! .. Il aime Mme de Chamblay,.. il est aimé d’elle ! Vous voyez bien qu’il faut que ce soit un autre qui vous tue… — J’aurai l’honneur de vous envoyer demain mes témoins. — Oh ! demain je serai bien occupé… — Alors, monsieur, vous me priez de retarder la réparation ? — Au contraire, je vous prie de l’avancer. — Expliquez-vous… — J’ai là deux paires d’épées ; .. mon jardin semble fait exprès pour vider ces sortes de différends… — Soit ! si vous avez aussi des témoins à m’offrir… — Non, mais entrez au café, à quatre pas d’ici, vous y trouverez dix officiers qui seront heureux de nous aider à vider notre petite querelle… » M. de Chamblay, en effet, trouve des officiers au café. M. de Senonches va le rejoindre dans son jardin. Il rentre un moment après, et trouvant Mme de Chamblay et Max avec son secrétaire, ils se tourne vers celui-ci et lui dit : « Faites dételer ! »

Il serait difficile, je pense, de trouver une plus parfaite similitude de situations. M. Dumas s’est engagé sciemment dans la même impasse que son père ; il en est sorti par le même expédient. « La loi, dit le baron de Senonches à son ami Max de Villiers, ne permet pas