Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 46.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas conforme à l’ordre de ses perceptions et, à plus forte raison, ce qui l’offenserait dans son travail fonctionnel et dans sa délectation ne pourrait jamais être vraiment admiré. C’est une loi de la nature. L’artiste peint avec ses yeux comme avec son esprit. Aussi a-t-il le devoir de se mettre en possession des procédés à l’aide desquels il est certain d’introduire dans ses ouvrages l’ordre et la régularité sensibles qui sont les conditions essentielles de toute vision normale et de toute œuvre d’art. Et c’est pourquoi M. Baudry mérite d’être loué hautement, lui qui s’en est rendu maître.

On s’étonnera peut-être au premier moment si nous disons que M. F. Flameng, avec les Vainqueurs de la Bastille, nous offre l’exemple d’un tableau bien ordonné, sinon par la couleur, du moins par les lignes. Il en est ainsi cependant. Tout le monde reconnaît que sa couleur verdâtre lui nuit et que la scène est enveloppée dans un jour vitreux qui lui ôte sa réalité. Cela est fâcheux ; mais si on regarde cette grande toile sans s’arrêter à la première impression, on voit que le sujet, qui a été conçu à un point de vue très dramatique, est rendu avec entrain. Les lignes de la composition sont bien établies, elles sont riches et variées. Ce tableau, qui témoigne d’un effort très honorable, mérite d’être gravé : le burin fera ressortir des qualités qu’on risque de méconnaître à première vue. Elles sont de celles qui montrent que l’auteur peut aborder la peinture murale. Dans ce genre, M. P.-J. Blanc a exposé le fragment d’une frise destinée au Panthéon, qui représente le Triomphe de Clovis. Ce roi, que la Religion conduit par la main, s’avance, suivi de plusieurs personnages de son temps. Nous n’avons pas à demander à l’auteur pourquoi il a introduit dans cette marche de figures qui appartiennent au Ve siècle les portraits de plusieurs hommes politiques de nos jours ; il a usé d’une liberté que bien des artistes ont prise avant lui. Mais, au Salon, cela distrait de l’attention qu’appellerait son travail, si bien entendu pour la place qu’il doit occuper. Ce qui est vrai, c’est qu’au Panthéon cette frise couronnera très honorablement la Bataille de Tolbiac, que M. P.-J. Blanc vient d’y exécuter avec une grande sûreté de talent.

L’aspect du tableau de M. Gervex, le Mariage civil, est agréable. Les choses se passent à la mairie avec un mélange de sérieux et de distraction qui est bien rendu. Fallait-il y mettre plus de gravité ? La scène devait-elle avoir en quelque sorte un caractère symbolique ? Ce serait à examiner. Mais si nous ne nous trompons, la composition de M. Gervex a été choisie à la suite d’un concours. L’auteur, sans entrer dans les profondeurs morales du sujet, a voulu rendre l’air de fête qu’a généralement un mariage, parce que c’est par là que sont attirés les yeux de la foule. Il y a réussi. Cette