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des clarisses et la libératrice d’Orléans ont poursuivi un but fort différent ; et pourtant lorsqu’à l’occasion de l’emploi qu’elles ont fait toutes les deux de la suscription JHESUS MARIA, l’idée nous est venue de les rapprocher, nous avons été bientôt frappé des nombreux traits de ressemblance qui les rattachent l’une à l’autre. Douées de l’extérieur le plus séduisant, Colette et Jeanne avaient cela de commun que leur beauté, loin de faire appel aux sens, éloignait jusqu’à la pensée d’un mauvais désir. Tel était le prestige qui les entourait, si pénétrant était le parfum qui s’exhalait de leur personne qu’elles semblaient échapper à ce qu’il peut y avoir de grossier et d’impérieux dans la satisfaction des besoins de la nature. On les voyait toutes les deux, l’héroïne aussi bien que la sainte, fondre en larmes chaque fois qu’elles se confessaient ou qu’elles recevaient la communion, mais cette ferveur de dévotion n’enlevait rien à la netteté de leur sens pratique, à la féconde activité de leur esprit organisateur. Il suffit d’un an à Jeanne pour faire ce que l’épée de vingt capitaines avait été impuissante à accomplir ; et lorsque Colette mourut à Gand le 6 mars 1447, elle avait fondé dix-huit couvens nouveaux et imprimé par toute la France à la dévotion féminine une impulsion nouvelle. La sainte abbesse et la pieuse héroïne avaient les mêmes fêtes de prédilection, la Passion, l’Annonciation et la Toussaint. A l’imitation de François d’Assise, Colette laissait voir une préférence marquée pour certains animaux qu’elle considérait comme purs. Les oiseaux qu’elle préférait étaient les colombes ; or nous avons vu plus haut que l’image de cet oiseau, l’un des emblèmes favoris de la dévotion franciscaine, figurait dans les armes personnelles de Jeanne d’Arc. Colette et Jeanne ne se ressemblaient pas moins par leur tendresse singulière pour l’enfance. Si la première prenait volontiers part aux amusemens des fillettes qu’elle rencontrait, le plus grand bonheur de la seconde, d’après la déposition de son aumônier, était de recevoir le sacrement de l’eucharistie, en compagnie de jeunes garçons voués dès l’âge le plus tendre à quelque ordre religieux et que l’on appelait pour cette raison « les petits enfans des religieux mendians. » Mais le trait qui les rapproche peut-être le plus, c’est la vertu particulière qu’elles paraissent avoir attachée l’une et l’autre au nom de Jésus ? Les hagiographes racontent que Colette guérit plus d’une fois, par la seule invocation de ce nom, des possédés, des aliénés, ou des malheureux atteints de la rage. Quant à Jeanne, le nom de Jésus ne figure pas seulement en tête de ses lettres, dans les plis de son étendard et jusque sur l’anneau mystique qu’elle porte au doigt ; il est surtout au plus profond de son cœur. Elle ne se borne pas à adorer Jésus comme son Dieu, elle reconnaît encore en lui le véritable roi de France, un roi dont