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revendications, tout cela va retentir en Hollande et trouve un écho dans le cœur de la nation. Ces sympathies se sont manifestées depuis quelques mois sous bien des formes, même par des pétitions adressées à la reine Victoria, et elles se sont produites jusque dans le parlement, à La Haye, par des interpellations auxquelles le gouvernement a eu à répondre. La position ne laissait pas d’être difficile. Le ministre des affaires étrangères, le baron Van Lynden, ne pouvait ni ne voulait froisser la sincérité du sentiment hollandais en faveur des Boërs, et il ne voulait pas non plus compromettre la neutralité de la Hollande vis-à-vis de l’Angleterre ou exciter les ombrages du cabinet de Londres. M. Van Lynden s’est tiré d’affaire avec autant d’habileté que de mesure, de façon à donner satisfaction aux sympathies hollandaises sans blesser le gouvernement anglais. Cette prudence diplomatique est tout à fait d’ailleurs dans le tempérament de la Hollande, qui se borne à se défendre contre les difficultés qu’on pourrait lui susciter sans chercher un rôle de fantaisie dans des affaires extérieures toujours hasardeuses.

La question est maintenant de savoir quelle sera, pour le ministère de La Haye et pour les partis en Hollande, l’influence des élections qui se préparent, qui vont s’accomplir d’ici peu. Déjà la lutte est assez vivement engagée entre les libéraux d’un côté, et de l’autre côté les protestans orthodoxes, les catholiques, les conservateurs. Si les libéraux, qui sont passablement divisés, ne se rapprochent pas au dernier moment et n’unissent pas leurs efforts, ils sont exposés à perdre quelques sièges. Et en Hollande aussi, avant la séparation récente des chambres, il s’est produit une proposition de réforme électorale. Il s’agirait simplement ici d’un abaissement de cens. Le ministère, sans se prononcer d’une façon absolue, a prudemment ajourné toute décision, en invoquant surtout la nécessité d’un examen plus mûr. Les élections peuvent évidemment hâter ou retarder cette réforme, qui, dans tous les cas, sera réalisée certainement avec la mesure de l’esprit national, sans mettre en péril la sécurité intérieure et les institutions de la Hollande.


CH. DE MAZADE.