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personne de la duchesse de Bourbon et de son fils, et le 10 septembre de l’année suivante, l’assassinat du pont de Montereau avait fait rompre toutes relations amicales et par suite tout projet matrimonial entre les deux maisons de Bourgogne et de Bourbon. Cinq jours après cet assassinat, le dauphin allouait à Charles de Bourbon une pension mensuelle de 600 livres tournois, et le 21 août suivant il le nommait son lieutenant-général dans les pays de Languedoc et de Guyenne. Comment un prince ainsi comblé des faveurs du chef du parti armagnac aurait-il pu prétendre à la main d’une des filles de Jean sans Peur ? Cependant, les négociations matrimoniales ne tardèrent pas à être renouées, et il est remarquable que la reprise de ces négociations coïncida avec le séjour de Colette à Moulins. Nous sommes donc autorisés à croire que la mère spirituelle de Marguerite de Bavière et de Marie de Berry a contribué plus que personne peut-être à préparer les voies, à lever les obstacles d’ordre moral au mariage qui fut célébré à Autun, le 17 septembre 1425, entre l’héritier présomptif du duc de Bourbon et la fille cadette de la duchesse douairière de Bourgogne. Or, d’une part, la nomination d’Arthur de Richemont, beau-frère de Philippe le Bon, au poste de connétable de France, due à la prévoyante initiative de la reine de Sicile ; d’autre part, le mariage du comte de Clermont avec Agnès, mené à bonne fin sous l’influence des bonnes relations ménagées par Colette entre Marie de Berry et la veuve de Jean sans Peur, cette nomination et ce mariage, disons-nous, sont incontestablement les deux faits qui ont servi d’acheminement au célèbre traité du 21 septembre 1435. En réalité, ces deux faits consacraient déjà la réconciliation domestique des deux maisons de France et de Bourgogne, dont la paix, négociée dix ans plus tard à Arras entre Philippe le Bon et Charles, duc de Bourbon, son beau-frère, consomma la réconciliation politique.

Colette Boylet et Jeanne d’Arc ont dû se rencontrer, et voici dans quelles circonstances. Au commencement de novembre 1429, la Pucelle vint faire le siège d’un certain nombre de places que les Bourguignons occupaient dans le Nivernais ou sur les confins de cette province, notamment de Saint-Pierre-le-Moutier et de la Charité-sur-Loire. Après la prise de Saint-Pierre-le-Moutier, elle se rendit à Moulins, d’où elle adressa, le 9 novembre, une lettre aux habitans de Riom pour les inviter à lui envoyer de la poudre, du salpêtre, du soufre, des arcs, des arbalètes et autres engins de guerre en vue du siège de la Charité. Cette place avait alors pour capitaine un aventurier nommé Perrinet Gressart, qui, de simple ouvrier boulanger, était devenu l’un des capitaines de partisans les plus redoutables de cette époque et prenait, dès 1428, le titre de panetier du duc de Bourgogne. Les deux grands seigneurs qui