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Bourbon, de Bonne de Berry, sœur aînée de Marie, veuve en premières noces d’Amédée VII, comte de Savoie, et en secondes noces du connétable Bernard d’Armagnac, enfin de Marie d’Armagnac, petite-fille de Bonne de Berry du côté paternel, morte avant 1418 abbesse du couvent de Castres. C’est alors que des maisons religieuses, vouées à la réforme colettine, s’ouvrent successivement à Aigueperse en 1423, au Puy en 1425, à Castres en 1429, à Lézignan en 1431. Ces créations obligent la supérieure générale des monastères nouvellement fondés à faire pendant cette période sa résidence habituelle dans les pays de l’obédience de Charles VII ; elle n’en entreprend pas moins chaque année de lointains voyages, soit en Bourgogne, où elle voit poser, le 24 octobre 1422, la première pierre du couvent de Seurre, soit en Savoie, où les maisons de Vevay et d’Orbe s’élèvent en 1425 et 1426.

Au premier abord, les détails où nous venons d’entrer ne semblent intéressans qu’au point de vue de l’histoire des institutions monastiques ; mais dès qu’on les étudie d’un peu près, on en reconnaît aussitôt l’importance et la portée politique. Au commencement de 1421, lorsqu’il fut question d’établir à Moulins un couvent de clarisses réformées, Colette, que Marguerite de Bavière venait de combler de bienfaits, ne voulut point faire la moindre démarche auprès de la duchesse de Bourbon, dont le mari était l’un des partisans les plus dévoués du dauphin, avant d’avoir obtenu l’assentiment de la veuve de Jean sans Peur. Touchée à juste titre de cette attention délicate, la duchesse de Bourgogne, loin d’empêcher la réformatrice des clarisses d’accepter les faveurs d’une princesse hostile au parti anglo-bourguignon, l’engagea vivement à aller trouver Marie de Berry. Deux ans à peine après le meurtre de Montereau, les deux duchesses de Bourgogne et de Bourbon furent ainsi mises indirectement en relations. Colette fit un assez long séjour à Moulins, où elle retrouva dans Marie de Berry une ville spirituelle non moins respectueuse et non moins dévouée que Marguerite de Bavière. Exerçant un égal ascendant sur ces deux princesses et les visitant tour à tour, il ne lui fut pas difficile de leur inspirer des sentimens d’estime et d’affection (mutuelles. Par ce rôle d’intermédiaire qu’elle a joué entre la cour de Bourgogne et les diverses branches de la maison de France pendant la période la plus critique du règne de Charles VII, Colette de Corbie mérite au plus haut degré d’attirer l’attention des historiens, et, l’on peut dire qu’elle n’a pas été sans influence sur les destinées de notre pays. Dès le milieu de 1418, un projet de mariage avait été arrêté entre Charles de Bourbon, fils aîné du duc Jean Ier, et Agnès de Bourgogne, fille cadette de Jean sans Peur ; mais avant le 29 novembre de cette année, le duc de Bourgogne s’était saisi violemment de la