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ici une pierre à l’édifice, espérant abréger pour les autres le long chemin que j’ai parcouru moi-même avant d’arriver aux certitudes matérielles dont je commence à recueillir les fruits.

Une des conditions de réussite de la vigne américaine est l’appropriation des espèces au climat et au sol, de placer autrement, par exemple, les estivalis, groupe du Nord, que les estivalis, groupe du Sud. Ces derniers, que je connais mieux, ne peuvent qu’exceptionnellement sortir de la région de l’olivier, ni dépasser une ligne qui irait de Valence à Bordeaux. L’obstination avec laquelle on veut parfois faire des acclimatations impossibles est une cause de dépréciation pour la vigne ; américaine dans les Charentes. Les jacquez, les herbemonts n’y trouvent pas la chaleur saine qu’ils demandent et y souffrent du mildew et de la gelée, etc., tandis que les estivalis (groupe du nord) réussissent mal dans la région de l’olivier. — Exemple : à Saint-Benezet, le norton’s Virginia, bien que vigoureux et âgé de six ans, n’a pas encore fructifié.

Il est probable, même sûr, qu’il existe une zone dans laquelle il donnera les excellens résultats dont on parle en Amérique. — Un troisième groupe d’estivalis, que nous nommerons groupe intermédiaire, s’étend sur les deux zones, mais en perdant de ses qualités aux limites extrêmes. Le rulander, le louisiana, semblent appartenir à ce groupe, mais il est trop tôt pour parler de ces cépages encore peu expérimentés. Les riparias sauvages croissent spontanément dans une grande partie de l’Amérique : donc ils se plaisent dans une zone étendue. Il ne faut pas croire les bruits que l’on fait courir sur les prétendues défaillances de ce porte-greffe remarquable. Il est peut-être vrai que, dans le Beaujolais, le vialla lui soit supérieur, je n’ai pas de certitude à cet égard, mais je sais positivement que, dans le Midi, il n’y a eu de faibles que quelques mauvaises variétés de riparias faciles à éliminer et qu’il suffit de prendre les boutures dans une vigne irréprochable pour avoir une plantation vigoureuse. Mais il est encore préférable de ne planter qu’une seule et même variété pour assurer l’uniformité de la plantation et son adaptation au sol : les variétés glabres dans les terres sèches, les pubescentes dans les plaines profondes et plus humides.

J’insiste sur le triage des variétés, parce que les envois d’Amérique, très mêlés, donnent des plantations inégales et par là compromettent la réputation du riparia. Au château du Pignan[1], il s’est trouvé quelques sujets chétifs de ce genre ; ils étaient rares et ont été arrachés rapidement ; ce sont probablement ceux-là que visait M. Hortolès quand, prenant la partie pour le tout, il citait

  1. Chez M. le comte de Turenne (Hérault).