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l’a été involontairement et qu’il n’a surtout pas causé tout seul un aussi grand malheur. En effet, je ne crois pas que M. Lalliman soit le premier importateur de l’insecte ni même de la vigne américaine. Ses importations ne datent que de 1866, et j’ai acquis des preuves positives que les vignes américaines de M. Borty, — envoi direct de M. Berkmanns, — étaient déjà plantées en 1863, peut-être même en 1862. Une lettre de Mme veuve Borty, du 16 mai 1881, me confirme cette date ; elle ajoute qu’il y a eu plusieurs variétés autres que le jacquez, mais qu’elles ont été greffées en jacquez, plant à la mode. J’ai aussi le témoignage de M. Piola, qui, lors de sa visite à Roquemaure, en 1876, a reçu de Mme veuve Borty les mêmes renseignemens. Remontant plus haut encore, mon fermier, M. Comy (le lauréat du concours régional de 1881 à Nîmes), a visité cet intéressant vignoble en 1874, il a parlé à M. Borty lui-même, qui lui a dit tenir ses plants d’importation directe et cela depuis douze ans environ. M. Comy a vu des jacquez, des clintons, des norton’s-virginia et il croit qu’il y avait aussi des cuninghams.

Voici des extraits d’une note que M. Planchon envoyait, en avril 1874, au président de la Société d’agriculture de la Gironde, « Dans un enclos attenant aux maisons mêmes de Roquemaure, M. Borty, négociant en vins, cultivait un beau vignoble de plants du pays qui devint la proie de l’oïdium. Ayant entendu dire que les vignes américaines échappaient à ce cryptogame, M. Borty, par l’intermédiaire d’un ami, se procura vers 1862 (la date n’est sûre qu’à une ou deux années près) un certain nombre de cépages américains, cent cinquante-quatre environ. L’origine américaine des vignes vigoureuses de M. Borty ne saurait être mise en doute. La liste ne semble pas très exacte ; des étiquettes manquent. Les delaware ont dû être arrachés, ce qui confirme les observations faites en Amérique par Riley et par moi sur la non-résistance de ce cépage. Même observation pour l’isabelle. »

M. Catros, pépiniériste à Bordeaux, a des vignes américaines depuis quarante ou cinquante ans, ainsi que M. Tourès à Machetaux (Lot-et-Garonne). En 1828, un envoi de New-York fut partagé entre le comte Odard, à la Dorée, et la colonie de Mettray. Il existait aussi quelques pieds américains dans les pépinières des frères Audibert, à Tonnelle, près Tarascon. Le jardin botanique de Dijon en a possédé hidt ou dix variétés depuis 1842 jusqu’en 1858. M. Durieux de Maisonneuve en reçut de Philadelphie en 1863. Enfin, en 1868, M. Schicbler, de Hanovre, en a partagé un envoi avec le docteur Babo, de Klosterneubourg.

En 1861, le marquis Ridelfî, de Florence, greffa une vigne oïdiée en’ espèces américaines et y récolta, l’année suivante, 800