Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/880

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie n’a pas voulu, dit le rapport, différer plus longtemps de répondre à l’impatience de la convention. Il a senti combien l’instruction du peuple importait dans ce moment à la république, c’est l’organisation des écoles primaires qu’il vous propose avant tout de décréter. Les autres branches se développeront après. »

L’idée n’était pas mauvaise ; elle était surtout très pratique, et si la convention l’eût adoptée, si, comme le lui proposait son comité, elle avait pris la résolution de procéder par ordre, on doit croire qu’elle se serait épargné bien des peines et des mécomptes. Malheureusement, au lieu de porter sur ce point et de le fixer, la discussion du projet de Lanthenas s’égara dans les généralités et tourna vite à la violence. On a rappelé plus haut la profession de foi de Dupont. Un autre girondin, Ducos, eut aussi contre les prêtres une bien étrange sortie. Comme on lui représentait les motifs d’économie qu’on pouvait déjà faire valoir en faveur des frères de la doctrine chrétienne : « Pour moi, s’écria ce fanatique, j’aimerais mieux ruiner le trésor que de pervertir et de corrompre l’esprit public. C’est par raison, non par économie, que je suis peu disposé pour les prêtres : je me rappelle à leur sujet l’histoire de ce joueur de flûte ancien qu’on payait simple pour jouer et double pour se taire, car il jouait faux. » On pense bien qu’un débat monté à ce diapason ne pouvait aboutir. L’intervention hautaine et brutale de Marat y mit fin[1], et le principe seul du projet fut admis et voté en ces termes : « Les écoles primaires forment le premier degré d’instruction. On y enseignera les connaissances rigoureusement nécessaires à tous les citoyens. Les personnes chargées de l’enseignement dans les écoles s’appelleront instituteurs. »

Le projet de Lakanal. — Ce vote est du 12 décembre 1792 ; dans les six mois qui suivirent, de janvier à juin 1793, à part un rapport d’Arbogast sur les livres élémentaires, on ne trouve aucun fait saillant à relever. C’est que la grande lutte entre la gironde et la montagne a commencé ; les deux partis sont aux prises. Pendant ce duel à mort, le comité d’instruction publique continue ses travaux ; mais, livré lui-même aux plus violentes dissensions, il ne parvient pas à formuler un nouveau projet ; son rôle d’ailleurs se trouve sensiblement diminué par la création (6 avril 1793) du comité de salut public, et ce n’est que le 31 mai qu’il rentre en scène avec un nouveau projet qu’on pourrait appeler le projet de la

  1. « Quelque brillans soient les discours qu’on nous débite ici sur cette matière, dit Marat, ils doivent céder la place à des intérêts plus urgens. Vous ressemblez à un général qui s’amuserait à planter et déplanter des arbres pour nourrir de leurs fruits des soldats qui mourraient de faim. Je demande que l’assemblée ordonne l’impression de ce discours, pour s’occuper d’objets plus importans. »