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généralités y sont supérieurement traitées, les principes établis avec beaucoup de forée, et ce n’est pas à coup sûr un médiocre mérite. Que Talleyrand n’ait été que le traducteur heureusement inspiré des idées de son temps en matière d’instruction publique, qu’il ne faille pas lui en attribuer l’initiative et l’invention, la chose se peut. Toujours est-il qu’il a su se les approprier et les fixer. Beaucoup de ces idées ne sont plus aujourd’hui que des lieux-communs ; en 1791, elles n’étaient pas encore dans la circulation et semblèrent presque des nouveautés. Mais, à côté de ces généralités, si bien déduites et si rigoureusement enchaînées les unes aux autres, que de lacunes et d’erreurs dès qu’on arrive aux solutions pratiques ! que de contradictions chez ce logicien !

Quelle nécessité, par exemple, de calquer l’organisation scolaire sur la nouvelle organisation administrative ? En vérité, rien ne commandait cette relation. Avant que la révolution eût inventé les assemblées primaires, il y avait de très nombreux villages en possession d’une école. Pourquoi supprimer ces écoles et les transporter au chef-lieu politique ? Au moins n’eût-il pas fallu commencer par poser en principe que l’instruction doit exister pour tous.

L’idée de placer les écoles secondaires dans les districts était plus rationnelle. La plupart des nouveaux districts possédaient déjà des collèges qu’il suffisait de transformer. Mais pourquoi détruire ou laisser tomber ceux des chefs-lieux de département ? Dans ce singulier système, les grandes villes auraient été, sous le rapport de l’enseignement secondaire, beaucoup moins bien partagées que les petites.

Que dire aussi de cet institut enseignant, unique en son genre, et qui forme à lui seul le dernier degré des études ? Un établissement d’enseignement supérieur pour toute la France, voilà pourtant où la logique conduit Talleyrand. Il n’y a qu’un corps législatif, et ce corps législatif siège à Paris ; il n’y aura qu’un institut, également à Paris. Mais aussi quelle merveille ! Cet établissement extraordinaire réunira « tout ce que la raison comprend, tout ce que l’imagination sait embellir. » Il sera à la fois « le tribunal où le bon esprit préside, le foyer où les vérités se rassemblent, » le point central auquel se rattacheront « tous les établissemens littéraires, tous les laboratoires, toutes les bibliothèques, toutes les collections. » Et « de tant de matériaux épars, de tant d’édifices isolés, formant un ensemble imposant, » il fera voir au monde a et ce que la philosophie peut pour la liberté, et ce que la liberté reconnaissante rend d’hommages à la philosophie. » La phrase tombe bien, elle est nombreuse ; toutefois, ou aimerait un peu plus de précision, et l’on a quelque peine à se figurer l’institut de Talleyrand sous tant d’aspects divers.