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que de cette poussière et de ce néant surgisse enfin « le grand édifice promis depuis si longtemps à l’impatience des Français[1]. »


II

Le travail de Mirabeau sur l’éducation publique. — Il serait beaucoup trop long et sans grand intérêt d’entrer dans le détail de tous les projets, rapports, plans ou discours qui se succédèrent de 1789 à l’an IV. La plus robuste patience n’en supporterait pas l’analyse. « On n’étudie pas le vide, » a dit un peu sommairement, à propos des essais pédagogiques de la révolution, un écrivain d’ordinaire plus mesuré dans ses expressions. Nous ne sommes pas de cet avis : il faut étudier même le vide, en histoire ; le vide est un phénomène comme un autre. D’ailleurs il n’est pas vrai que tout soit également creux dans ces improvisations multipliées. S’il en est de sottes, il en est aussi de brillantes. Seulement il y faut distinguer et, naturellement, en laisser beaucoup plus qu’en prendre.

Le premier de ces projets par la date comme par l’importance de son auteur est le « Travail sur l’éducation publique » trouvé dans les papiers de Mirabeau et publié par Cabanis. De tous les hommes de la révolution, Mirabeau est peut-être celui dont l’opinion, même sur un sujet qui ne lui était pas très familier, nous importe le plus. En effet, mieux que chez aucun autre, en lui se résume et se réfléchit le mouvement d’idées qui avait préparé 1789 ; il en est l’expression la plus puissante et souvent aussi, malgré sa fougue naturelle, la moins déréglée. C’est une question de savoir s’il eût été de taille à sauver la révolution de ses entraînemens et la royauté des imprudences qui les perdirent l’une et l’autre. Mais un fait certain, c’est qu’il avait sur le gouvernement, sur la politique, sur la société, des vues très supérieures à celles de la plupart de ses contemporains. Passionné pour le progrès et la liberté, il ne l’était pas moins pour l’ordre et l’autorité. Et, dans une certaine mesure, il avait le sentiment de l’indépendance nécessaire au pouvoir exécutif. À tous ces titres, ses discours, ses écrits, ses ébauches mêmes méritent une attention particulière.

Le travail de Mirabeau se compose de quatre discours, ou plutôt de quatre projets de discours que le grand orateur n’eut pas le temps ou ne trouva pas l’occasion de prononcer. Le premier traite de l’instruction publique en général et de l’organisation du corps enseignant ; le second des fêtes publiques, civiles et militaires ; le

  1. Lakanal.