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y ait recours. De plus, l’exécution de ces décisions est souvent paralysée par la mauvaise volonté des propriétaires, qui commencent par épuiser tous les degrés de juridiction et qui préfèrent en fin de compte, se laisser condamner à une amende illusoire, plutôt que de se résigner à des travaux onéreux. Enfin cette commission ne peut absolument rien contre l’insalubrité qui résulte du fait des locataires eux-mêmes et de leur entassement. Comment, en effet, forcer une femme qui vit sans répugnance dans la saleté à faire son lit, à balayer sa chambre, à ouvrir sa fenêtre ? De quel droit surtout venir dire à une famille de six ou huit personnes qui vit dans une seule chambre dont elle a peine à payer le loyer d’en occuper deux pour être plus au large ? Or la malpropreté et l’entassement sont, au point de vue du logement, le fléau du pauvre. Il ne faut donc pas trop compter sur l’action de la commission des logemens insalubres. Lors même qu’on parviendrait (ce qui serait toujours une bonne chose) à fortifier ses pouvoirs, lors même qu’on abrégerait les formalités de la procédure à laquelle elle est astreinte et qu’on la soustrairait à la tutelle du conseil municipal, où des complaisances électorales pourraient bien faire échouer certaines affaires, on n’obtiendrait pas pour cela grand résultat. Puisque la loi est à peu près impuissante, voyons ce que, sous ses diverses formes, peut la charité.

Payer le loyer du pauvre est une des formes les plus usuelles et assurément les plus utiles de la charité privée, car bien des familles ont roulé dans une irrémédiable misère pour s’être vues un jour expulsées de leur logis et dépouillées par une saisie de leur pauvre mobilier. C’est surtout une œuvre très utile lorsque, par une organisation bien entendue, on met le pauvre de moitié dans l’assistance qu’on lui prête, ainsi que font les œuvres de loyer établies dans plusieurs paroisses, et qu’on contribue au paiement de son loyer pour une part proportionnelle aux versemens qu’il a faits lui-même à la caisse de l’œuvre. Peut-être ces œuvres de loyer, si elles étaient pourvues de ressources plus assurées, pourraient-elles aller plus loin encore. Elles pourraient, entrant en relations directes avec le propriétaire, cautionner auprès de lui l’indigent laborieux pour le paiement d’un loyer supérieur à celui que ses propres ressources lui permettraient de supporter, et prendre à leur compte une partie du loyer. Ce serait une charité préventive bien entendue qui, pour assister l’indigence, n’attendrait pas qu’elle fût arrivée à l’état aigu et lui permettrait d’améliorer les conditions où elle vit. Mais on peut assurément mieux faire encore et, ainsi que nous allons le voir, mieux a déjà été fait.

Tout le monde sait le bien qu’a réalisé la Société des cités