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malade depuis quelques jours, s’était rendue à la consultation du bureau central, et la sœur aînée, demeurée seule pour garder tout ce pauvre petit monde, espérait, me dit-elle, que sa mère aurait été admise à l’hôpital.

Si nous voulons envisager maintenant un autre aspect de la misère dans ces mêmes quartiers, regagnons le boulevard et, à partir de la place Maubert, suivons la rue Monge jusqu’à sa rencontre avec la nouvelle avenue des Gobelins. Arrivés à la vieille église de Saint-Médard, dont un agréable jardin a remplacé le fameux cimetière, tournons à droite, et nous nous trouverons en plein centre de ce quartier qu’on appelait autrefois le faubourg Saint-Marceau et qui fut longtemps le quartier le plus pauvre de Paris. Il est traversé dans toute sa longueur par la rue populeuse qui conduisait jadis du sommet de la montagne Sainte-Geneviève à celui du Mont-Cetard, où l’on vénérait les reliques de saint Marcel. Une contraction hardie de la langue populaire a baptisé cette longue artère du nom de rue Mouffetard (rue du Mont-Cetard). Elle est aujourd’hui la rue populeuse et commerçante, on pourrait dire la rue Vivienne ou la rue Richelieu du quartier. Des boutiques de petits détaillans, des marchands de vins, des traiteurs la bordent dans toute sa longueur. Vers les six heures du soir, c’est-à-dire au moment où les ouvriers reviennent de leur travail, où les femmes, en bonnet et le panier au bras, vont débattre avec les marchandes des quatre saisons le prix des provisions nécessaires à leur, mince dîner, c’est une rumeur, un va-et-vient qui rappellent les vers de la ballade sur la foule

Qui se rue
Incongrue
Par la rue
Saint-Marceau.


Le soir, les boutiques de marchands de vins regorgent de monde, et deux fois par semaine le bal du Vieux-Chêne ouvre ses salons (dit prétentieusement l’affiche) aux ébats d’une foule déguenillée. La misère habite un peu partout dans le quartier, dans la rue Mouffetard elle-même, bien que celle-ci commence à être envahie par une population demi-bourgeoise, mais de préférence dans les ruelles environnantes, aux noms pittoresques, la rue Gracieuse, la rue du Pot-de-Fer-Saint-Marcel, la rue de l’Arbalète, la rue du Marché-des-Patriarches. Ces ruelles sont habitées par une population misérable qui se compose en grande partie de journaliers, de brocanteurs, de regrattiers, de chiffonniers. Ceux-ci ont émigré cependant pour la plupart dans diverses régions où nous les