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France, durant cette même année, 1,608,129 indigens étaient (d’après un document unique)[1] inscrits sur les contrôles des bureaux de bienfaisance de 13,343 communes comprenant 21,931,881 habitans. Enfin, en 1879, dernière année dont les résultats statistiques aient été publiés en Angleterre, tandis que la population atteignait le chiffre de 25,160,000 habitans, celui des indigens s’abaissait à 765,455, soit environ 3 pour 100. Ainsi, en résumé, la proportion du paupérisme à la population est descendue, en trente années, de 6, à 3 pour 100, c’est-à-dire qu’elle a diminué de moitié. C’est là un résultat dont nos voisins ont d’autant plus le droit de tirer honneur que cette diminution de paupérisme n’est pas due seulement à l’augmentation générale de la richesse, mais aussi à des habitudes plus grandes de tempérance, d’épargne introduites dans la classe ouvrière, et surtout à une distribution plus judicieuse des secours publics, dont l’abus entretenait la misère qu’elle avait pour but de combattre. Ainsi, tandis que les grands maîtres de la sociologie n’ont rien découvert, faute peut-être d’avoir cherché, comme remède au paupérisme, de modestes administrateurs de paroisses ont contribué, en trente ans, à le réduire de moitié, et je ne puis m’empêcher de penser qu’ils ont rendu peut-être un plus grand service à leur pays que M. Herbert Spencer et toute son école.

Laissons maintenant de côté toute idée de comparaison et recherchons si la misère augmente ou diminue à Paris depuis un certain nombre d’années. C’est là, pourrait-on croire, une question de fait sur laquelle on doit aisément tomber d’accord et dont, en tout cas, on devrait chercher la solution avec le désir de constater que la misère diminue. Mais il n’en va point ainsi depuis que la politique s’en est mêlée ; et les uns (je n’ai besoin de désigner personne) prétendent que la misère était plus grande sous l’empire, les autres qu’elle est plus grande sous la république. Voyons qui a raison et qui a tort. Le dernier recensement opéré en 1869, d’après les contrôlée des bureaux de bienfaisance, donnait 111,357 indigens pour une population de 1,799, 980 habitans. Celui de 1874 donnait 113,733 indigens pour une population de 1,818,710 habitans, ce qui donne une proportion de 1 indigent sur 15.09 habitans ; celui de 1877, 113,317 indigens sur 1,983,806 habitans, soit 1 indigent sur 17.55 habitans ; enfin, celui tout récent de 1880, donne, ainsi que je l’ai déjà dit, 123,735 indigens, soit un indigent sur 16.07. On voit que le chiffre de la misère, après avoir légèrement fléchi, a augmenté de nouveau depuis trois ans. Mais il ne faut pas oublier

  1. Ce document est un rapport adressé, en 1874, à M. le général baron de Chabaud-Latour, alors ministre de l’intérieur, par M. Buquet, inspecteur-général des établissemens de bienfaisance, sur la situation des bureaux de bienfaisance.