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qui ne peuvent pas faire face à leurs dépenses obligatoires sans avoir recours à la charité publique ou privée. Arriverons-nous de ce côté à quelque résultat positif ? En aucune façon. Il est relativement assez facile d’établir le nombre de ceux qui reçoivent les secours de la charité publique, mais si l’on voulait y ajouter le nombre de ceux qui reçoivent les secours de la charité privée, on viendrait se heurter à deux difficultés insurmontables. La première serait la rareté et l’insuffisance des statistiques tenues par les sociétés charitables ; la seconde, le grand nombre des doubles emplois, car il y a peu ou point de cliens de la charité publique qui ne puisent aussi dans la bourse de la charité privée. Si l’on veut procéder par chiffres, on en est donc réduit à étudier ceux que fournissent les comptes de la charité publique. Ici les documens statistiques abondent et sont remplis d’intérêt. Mais il ne faut pas oublier qu’ils ne donnent qu’une idée très incomplète de la misère à Paris, puisqu’ils ne comprennent pas tous ceux que secourt la charité privée, sans parler de ceux qu’elle ne secourt pas et dont on a dit dans un beau vers :

……. la misère profonde
Est celle qu’on promène en gants blancs par le monde.


Misère assez rare, il est vrai, car le monde, qui n’est pas tendre à la pauvreté, ne prodigue guère ses invitations à ceux qui n’ont pas le moyen de changer souvent de gants blancs. Sans essayer donc de parler de ce qui nous échappe, prenons les chiffrés de la charité officielle et voyons ce qu’ils vont nous apprendre.

Le projet de budget de l’assistance publique pour 1881, établi d’après les données de l’année précédente, évalue au chiffre total de 354,812 le nombre des indigens de toute catégorie aux besoins desquels ce budget est dans l’obligation de pourvoir. Pour ne pas trop nous effrayer de ce chiffre énorme, hâtons-nous d’en décomposer les élémens et d’indiquer les réductions qu’il convient de lui faire subir si l’on veut arriver à une évaluation approximative de la misère. Remarquons d’abord que les enfans assistés y figurent pour 28,000. Or, bien que l’abandon des enfans soit souvent un résultat de la misère, cependant les enfans qui sont placés hors Paris ou qui reçoivent dans leur famille des secours destinés surtout à prévenir leur abandon, ne sauraient, au point de vue qui nous occupe, figurer dans la statistique de la misère parisienne. Les 326,812 restant se décomposent en deux grandes catégories : les indigens secourus à domicile, au nombre de 201,100, et les indigens traités ou entretenus dans les hôpitaux ou hospices, au nombre de 125,712. Mais ces chiffres présentent inévitablement des doubles