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meilleur moyen de donner à notre influence une grande et solide extension. Des centaines d’enfans qui s’initieraient à nos idées et à nos mœurs reste, en ce moment privés d’une instruction après laquelle ils soupirent avec ardeur. Notre pays y perd certainement autant qu’eux, car les cliens que nous dédaignons, d’autres les recueillent et s’en servent contre nous. La propagande protestante a pris depuis quelques années en Syrie une extension considérable. Bien qu’elle répugne au tempérament indigène, dont la vivacité ne se plie pas aux froideurs du protestantisme, les moyens qu’elle emploie sont trop bien avisés pour ne pas obtenir quelques succès. On sait qu’il existe à Jérusalem un évêché anglican dont le titulaire est nommé alternativement par la Prusse et par l’Angleterre. Celui qui occupe en ce moment le siège est un Anglais, et il a été choisi très jeune dans l’espoir qu’il pourrait seconder plus longtemps la politique de son pays. Il existe à Jérusalem une école anglicane fort bien tenue, qui compte au moins soixante élèves, et une école normale pour les instituteurs. Vingt-sept écoles ont été fondées depuis peu dans les villages. En général, partout où le patriarcat de Jérusalem établit une mission, les protestans anglais, allemands ou américains élèvent aussitôt une école de filles et une de garçons. Je répète que la propagande protestante a peu de prise sur l’imagination syrienne ; mais elle dispose de tant de ressources matérielles qu’elle tente l’avidité d’une population sur laquelle la richesse a une action décisive. Or tout ce qui se fait pour le protestantisme en Syrie se fait pour l’Angleterre, au détriment de notre propre influence. C’est une remarque que j’aurai l’occasion de développer en parlant ! de Beyrouth. Je ne veux pas insister ici. Les Grecs ne nous font pas de concurrence scolaire. Ils ont une école peu fréquentée à Jérusalem, mais la plupart d’entre eux envoient leurs enfans chez les frères et chez les protestans. Pour eux, la propagande religieuse ne s’exerce pas par l’instruction : elle s’exerce par les pèlerinages, les génuflexions, les signes de croix. Cela ne l’empêche pas de remporter de nombreux avantages.

On va m’accuser de partager les passions des Latins contre les Grecs ! Je ne fais ressortir que les mérites des uns et que les défauts des autres. Pour rétablir quelque peu la balance, je donnerai le prospectus de l’ordre du Saint-Sépulcre, qui est une des sources les plus abondantes de revenus pour le patriarcat catholique. On y verra les conditions auxquelles on entre dans cet ordre. La plus importante de toutes consiste à faire au patriarcat une offrande considérable. J’ai assisté au sacre d’un chevalier. C’était un excellent Brésilien, d’une fortune énorme et d’une naïveté plus énorme encore. Il était très préoccupé de la pensée que l’offrande de