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trois autels à la fois. Le spectacle était là charmant. Les jeunes filles chrétiennes avaient mis leurs plus riches vêtemens pour célébrer la fête. Elles formaient des groupes admirables de lignes et de couleurs. Le type syrien est fort remarquable, d’une grâce un peu nonchalante, que relève l’éclat d’yeux étincelans. Parmi les femmes qui assistaient pieusement aux diverses messes, il y en avait plusieurs d’une beauté accomplie. Leur vêtement se composait d’une sorte de veste en velours rouge, vert ou bleu, soutachée d’or et d’argent, de longues jupes ornées de grandes raies multicolores sur des fonds d’un ton très vif, enfin d’un grand voile blanc retenu au sommet de la tête, qui retombait jusqu’à leurs pieds et enveloppait élégamment leurs corps, mais sans dissimuler leur visage et les parties luxueuses de leur costume. Agenouillées ou plutôt accroupies à terre, suivant la mode orientale, elles priaient avec une ferveur qui donnait à leur physionomie une ardente expression. En rentrant dans la grande rotonde, j’allais rencontrer des tableaux d’un tout autre genre. À l’une des extrémités de l’édicule du saint sépulcre, le clergé, latin, de nombreux moines, le patriarche et cinq ou six évêques célébraient la grand’messe sur un autel d’argent, avec toutes les pompes du culte catholique. À l’autre extrémité, j’avais remarqué en passant un vieux cheik étendu dans une toute petite chapelle grossièrement décorée. C’était, paraît-il, le patriarche copte et la chapelle copte. À mon retour de la chapelle latine, la messe copte était aux trois quarts dite, mais j’ai pu assister au dernier quart, qui m’a paru des plus intéressans. Les fidèles n’étaient pas nombreux ; ils se composaient de deux ou trois vieillards crasseux, de quatre ou cinq enfans et d’autant de femmes qui glapissaient je ne sais quelle mélopée dans une langue étrange. Revêtu d’ornemens d’une simplicité qui n’avait d’égalé que leur malpropreté, le patriarche écrasait du pain dans son calice, puis le trempait dans du vin et avalait le tout. Ceci fait, il prenait son calice, le lavait dans un plateau, buvait une partie de l’eau qui avait servi à ce lavage et faisait boire l’autre à son clerc. Après le calice, ce fut le tour des mains, également lavées dans le plateau, dont le patriarche et son clerc absorbaient l’eau alternativement. Je ne me rappelle plus bien à quel moment le patriarche, ayant fortement humecté ses doigte, vint les promener sur la figure des assistans, du nombre desquels je cessai d’être jusqu’à la fin de cette partie de la cérémonie. La messe se termina par une distribution de pain consacré. Chaque fidèle en eut un morceau ; mais un jeune garçon qui avait déjà reçu sa part, s’étant glissé vers l’autel pour tâcher d’en saisir encore, le patriarche lui allongea sans la moindre solennité son pied sacré sur un point du corps qu’il est inutile de désigner. Cette messe copte, si complètement