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conception, le dogme favori des franciscains, ce procès, disons-nous, leur avait attiré une condamnation solennelle et les avait fait exclure pendant seize ans des cours de l’Université de Paris. Ils avaient été en outre, à l’occasion de ce scandale, expulsés de la cour par Charles VI et Louis, duc d’Orléans, frère du roi, qui jusqu’alors avaient eu l’habitude de choisir leurs confesseurs dans les rangs de la grande famille dominicaine. Seuls entre tous les princes du sang, les ducs de Bourgogne avaient continué de vivre dans l’intimité des frères prêcheurs et de leur témoigner une faveur inaltérable. Quatre religieux de cet ordre, Guillaume de Valan, évêque de Bethléem ; Martin Porée, évêque d’Arras ; Jean Marchand et Laurent Pignon ou Pinon, évêques de Bethléem, furent successivement les confesseurs de Philippe le Hardi, de Jean sans Peur et de Philippe le Bon. Il ne faut donc pas s’étonner si le fameux docteur Jean Petit, l’apologiste effronté de l’attentat commis par Jean sans Peur sur le duc d’Orléans, appartenait à l’ordre de Saint-Dominique : on saisit maintenant le curieux concours de circonstances qui amena les jacobins à se faire les soutiens et les fauteurs de la cause bourguignonne.

L’effet naturel de cette alliance fut de resserrer les liens qui unissaient déjà les frères mineurs aux chefs du parti armagnac. Le prince qui prit la plus grande part à l’organisation de ce parti, Jean, duc de Berry, avait alors pour confesseur Jean Arnaud, franciscain de la province de Touraine et du couvent de Niort. Après la mort du vieux duc, Yolande d’Aragon, reine de Sicile, duchesse d’Anjou, belle-mère du dauphin Charles, depuis Charles VII, exerça sur ce jeune prince une véritable tutelle et fut l’âme du parti qui soutenait son gendre. Dans ce XVe siècle grossier et bas, la reine Yolande paraît avoir été une personne d’une distinction exquise. Fille de Jean Ier, roi d’Aragon, et d’Yolande de Bar, petite-fille du côté maternel de Robert, duc de Bar, et de Marie, la plus lettrée des sœurs de Charles le Sage, Yolande joignait à la solidité barroise, à la vivacité et à l’énergie catalanes la courtoisie gracieuse de la maison de France. Elle était renommée pour la ferveur de sa piété non moins que pour la finesse de son intelligence et devait prouver une fois de plus qu’une dévote qui a de l’esprit est le plus consommé des diplomates. Avant comme après le décès de Louis II, son mari, qu’elle perdit le 29 avril 1417, la reine de Sicile vécut dans un étroit commerce avec les cordeliers du couvent d’Angers et se plut à montrer une préférence marquée pour les religieux de l’ordre de Saint-François. Pendant sa régence surtout, elle ne cessa de combler cet ordre des plus insignes faveurs. On vit alors les merveilles d’Assise se renouveler jusqu’à un certain point dans la capitale de l’Anjou. Le couvent des franciscains de cette ville devint