seules beaucoup, et il ne faut que voir si elles sont observées. Nous pouvons déclarer qu’elles ne l’étaient guère dans cette distribution : elles le sont aujourd’hui ou bien peu s’en faut. Mlle Croizette semblait, plutôt que « verdissante, » épanouie : au moral, j’entends, aussi bien qu’au physique ; elle avait de la grâce, mais point de gentillesse. Mlle Broisat, sans doute, avait bien l’air abandonnée, mais comment supposer qu’elle méditât une vengeance ? et comment surtout la trouver imposante ? Il est vrai que ce Chérubin était bien mélancolique, bien fluet, et pâle comme une fleur de muguet : sa petite bourgeoise de marraine pouvait lui paraître une grande dame. Allons ! cette année, les choses vont beaucoup mieux. Que Mlle Baretta soit justement aussi « verdissante » qu’il faudrait, aussi « pleine de gaîté, d’amour et de délices, » je n’oserais pas l’affirmer : Mlle Samary peut-être aurait plus de l’air de ce portrait ; n’oublions pas cependant que la gaîté de Suzanne n’est pas « cette gaîté presque effrontée de nos soubrettes corruptrices ; » le personnage à l’origine fut joué par Mlle Contat, quoique réclamé chaudement par Mlle Fannier, une soubrette. Mlle Contat y montra « de la grâce, de la finesse et du charme ; » Suzanne est sage, Suzanne n’est rien de plus qu’une personne adroite, spirituelle et rieuse : Mlle Baretta est adroite ; n’est-elle pas au moins malicieuse et enjouée ? Mlle Tholer, pour la comtesse, est assez noble et belle, et d’une beauté qui ne s’évanouit pas sur cette grande scène du Théâtre-Français ; elle a de la dignité, de la bonne grâce et même du sentiment. Mlle Frémaux n’est pas encore un Chérubin parfait ; mais s’il est vrai que « c’est naïf ou polisson qu’il doit être, » Chérubin, cette fois, est franchement naïf, et cette naïveté n’est pas dénuée de charme. Cherchez d’ailleurs par qui fut créé le rôle : par Mlle Olivier, dont le talent, au témoignage de Beaumarchais, était « naïf et frais comme sa figure. » Ainsi donc si Mme Jouassain consentait à ne pas outrer si fort le comique de Marceline, ou du moins à le rendre moins pesant et solennel, la distribution des rôles de femmes serait maintenant presque heureuse, et par là cette reprise serait déjà meilleure que la dernière.
Mais le grave manquement aux convenances morales n’était pas imputable aux femmes dans cette épreuve de l’an passé. M. Coquelin surtout rompait l’équilibre de la pièce en ajoutant au caractère de Figaro le poids de sa philosophie et de son civisme. Vous savez « de quelle dégaine, » comme disait familièrement l’auteur, cette comédie doit « trotter ; » même au comte Almaviva Beaumarchais conseillait de distinguer la noblesse et « l’échassure, qui, disait-il, gourme un peu l’acteur : .. or ce qu’on désire le plus, c’est que la pièce marche. » Eh bien ! dès que M. Coquelin paraissait en scène, la pièce se ralentissait, elle semblait parfois s’arrêter. Vainement derrière lui l’auteur « dévidait ses fusées ; » la silhouette de Figaro, immobile et pathétique, se détachait en noir sur ce fond pétillant d’étincelles, M. Coquelin s’était mis