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L’ensemble de ce projet aux dispositions si complexes est bien lié. Nulle part la raison n’y fait défaut. Il est simple, très réalisable et pour ainsi dire vivant. Malgré la riche dotation de la caisse des lycées et le mode libéral de son fonctionnement, malgré l’empressement avec lequel les départemens et les villes s’imposent pour la rénovation de leurs établissemens scolaires, une grande économie doit être apportée dans les constructions du genre qui nous occupe. Dans ce sens, M. de Baudot nous semble encore avoir été bien inspiré. Les formes qu’il emploie dans son architecture sont de celles qui peuvent être obtenues avec les matériaux modestes, sans que cependant l’avenir de l’œuvre soit mis en question. C’est là une mesure bien essentielle à garder, et les considérations de durée imposent ici une limite nécessaire à l’économie. M. de Baudot est un artiste de grand talent, un esprit logique et ferme qui subordonne toujours le fait à l’idée. Nous ne savons si son projet de lycée sera exécuté ; mais, en tout cas, il dit bien ce qu’il veut et ce qu’il doit dire : c’est une étude intéressante pour les gens du monde et qui fait honneur à son auteur.

Des projets de la nature de ceux que nous venons d’examiner et qui font voir combien les instincts de l’artiste doivent se régler sur la raison, combien l’indigence des matériaux pèse sur le choix des formes et sur l’aspect des constructions, donnent à réfléchir sur les conditions générales de l’architecture. En effet il y a, théoriquement, deux parts à faire dans son domaine : à l’une, qui est esthétique, appartient la conception idéale des formes et leur détermination ; à l’autre, qui est économique et expérimentale, l’examen des matériaux et l’étude de leur adaptation aux vues désintéressées de l’imagination. Et de quoi servirait-il que telles lignes fussent belles ? Ne faut-il pas qu’elles puissent exister, être construites, et qu’une fois bâties, si l’on peut s’exprimer ainsi, elles soient durables ? L’étude des conditions de solidité, de stabilité des édifices, dérivée des lois de la statique, constitue une partie de science qui sert de base à la pratique de l’architecte. Mais l’application des règles qu’elle dégage va se modifiant suivant les qualités diverses des matériaux. Ceux-ci existent dans la nature ou sont créés par l’industrie suivant des masses plus ou moins importantes ; ils supportent des poids plus ou moins considérables, reviennent à des prix inégaux. En même temps l’intérêt de la fortune publique ou privée que l’architecte a dans ses mains alors qu’il bâtit, exige que l’emploi des matières premières, la pierre, le fer, le bois, soit réglé avec une économie réelle, bien que variable elle-même suivant que l’idée de l’utile l’emporte ou qu’il s’agit d’arriver à l’expression du beau. Ces préoccupations de durée, de