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personnalité. Il se pourra qu’une originalité même reconnue n’obtienne pas la justice qui lui serait due rien qu’à ce titre. On n’écoutera que sa sympathie ou son antipathie, et dans ces dispositions la critique s’emportera à des éloges sans mesure ou à de regrettables sévérités.

Cependant nous ne voulons pas nier la valeur du sentiment. De même qu’une forte et vive sensation de l’âme est toujours associée à l’idée artistique, dont elle ne se détache jamais, de même aussi l’impression excitée par l’œuvre d’art est un élément d’appréciation pour la critique. Mais celle-ci relève en même temps d’un assez grand nombre de notions positives. L’ordre dynamique et linéaire, l’histoire et la théorie y ont leurs points de vue spéciaux. La technique même y tient une place importante. L’idée, l’inspiration si l’on veut, ne se déploient pas en souveraines dans le domaine des formes. Il y a des lois auxquelles l’architecture, la sculpture et la peinture, quelles que soient leurs aspirations, restent fatalement soumises. Chaque art a ses limites. L’ordre et l’harmonie qui brillent dans les chefs-d’œuvre dépendent de conditions dont l’analyse démontre l’existence et la nécessité. Dans un tableau, aucune ligne ne se meut suivant son caprice. Les matériaux eux-mêmes, les pierres, les métaux, les couleurs ont des propriétés qu’il faut connaître et respecter : rien qu’à les confondre il y a une sorte de dérision. Or cet ensemble de faits, de quelque nature qu’ils soient, qu’ils se réfèrent à la conception ou à la pratique, ces faits, ces raisons, qui sont cause que l’artiste n’est pas libre, deviennent des principes sur lesquels la critique peut toujours s’appuyer et qui assurent son indépendance. Ils constituent ce que l’on pourrait appeler la partie solide de l’esthétique.

Ah ! nous le comprenons : tout cela est inquiétant pour le lecteur ; et cet appareil semble bien grave quand il s’agit de traiter du Salon. Qu’on se rassure : nous n’avons pas l’intention d’en abuser. Nous n’y aurons recours qu’autant qu’il le faudra pour justifier nos observations les plus importantes.


I

Depuis deux ans, l’exposition d’architecture est plus convenablement placée que par le passé ; mais elle n’a pas encore une installation suffisante. D’ailleurs elle est peu nombreuse et, comme toujours, elle est incomplète. Parmi les services de l’état, celui des Monumens historiques est toujours le seul qui soit représenté au Salon. Nous n’avons donc pas l’occasion de voir, ainsi que nous le