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exercée par les gouvernans dans de telles évolutions n’est pas sans influence. Il est indispensable pour l’avenir du pays d’adoucir la transition actuelle.

La branche du travail national aujourd’hui en détresse est le travail agricole ; la cause de sa détresse provient surtout de l’inégalité, il faut donc le replacer dans sa situation d’égalité normale afin de lui permettre de reprendre d’ici à quelque temps la lutte victorieusement, seul et sans appui, comme il l’a fait jusqu’à ces derniers temps. Pour soutenir les intérêts agricoles, il existait plusieurs procédés. On pouvait choisir celui qui paraissait le plus favorable ou le moins difficile à appliquer ou adopter une combinaison mixte entre les divers systèmes proposés, à l’exemple des gens qui s’assurent contre l’incendie auprès de plusieurs compagnies d’assurances à la fois.

Une autre marche a été suivie et les respectueuses remontrances de l’agriculture n’ont point trouvé pour les accueillir de lit de justice national. Toutes les fois que l’agriculture fait entendre ses réclamations, on semble l’accuser de demander l’aumône ; c’est le droit et la justice qu’elle réclame. D’ailleurs c’est elle qui depuis vingt ans aurait plutôt fait l’aumône à l’industrie, et elle n’est plus assez riche pour s’accorder désormais ce luxe de bienfaisance et de désintéressement.

Dans le cas où l’on ne voudrait pas tendre une main fraternelle à l’agriculture, et où resterait plus ou moins démontrée l’impossibilité d’établir soit des droits protecteurs, soit un dégrèvement efficace, alors notre dernier recours serait de nous cantonner sur le terrain du droit commun et de l’équité et d’y demeurer inébranlables en réclamant en toute occasion l’égalité de traitement, soit dans la protection, soit dans le libre échange.

Si c’est le système protecteur, fiscal ou compensateur qui l’emporte, alors que tout le monde soit protégé, les campagnes comme les villes. Dès qu’une branche de travail est protégée, que les autres le soient aussi ; c’est le droit strict. D’ailleurs, l’agriculture ne réclame même pas sur ce point une égalité absolue, communiste et brutale : summum jus, summa injuria ; elle ne demande, jusqu’à nouvel ordre, qu’une égalité proportionnelle, féconde, admettant une certaine élasticité et des concessions rationnelles. Elle ne doit pas céder sûr le principe fondamental de l’égalité devant l’impôt de douane ou autre, car l’on peut accepter quelque inégalité dans la protection commune, mais l’inacceptable, c’est l’inégalité systématique et extrême de la protection pour les uns et de la concurrence écrasante pour les autres.

On objecte les difficultés diplomatiques des traités de commerce