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pas les meilleurs rapports avec Richelieu ; il n’est pas certain qu’il ait vu d’un mauvais œil les entreprises faites contre le cardinal par la propre mère et par le propre frère de Louis XIII. Le plan de Wallenstein était simple : se jeter sur la Bohème et la Saxe, forcer le roi de Suède à venir au secours de son allié l’électeur de Saxe ; s’il ne le faisait, imposer son alliance à la Saxe et au Brandebourg, couper ainsi les communications de Gustave-Adolphe et l’enfermer en Bavière. Le roi de Suède était si loin de la Baltique qu’il ne pouvait plus tenir le nord de l’Allemagne ; il serait contraint, suivant toute apparence, d’en reprendre le chemin, et l’Autriche serait délivrée. Les choses n’allèrent pas aussi simplement, car pendant deux mois et demi, les deux armées de Wallenstein et de Gustave-Adolphe campèrent en face l’une de l’autre devant Nuremberg. Wallenstein craignait de livrer une bataille rangée avec ses nouvelles levées contre l’armée aguerrie du roi de Suède, renforcée au bout de quelque temps par toutes les troupes suédoises qui avaient été laissées dans les électorats ecclésiastiques et qui furent ramenées au roi par le chancelier-général Oxenstierna. Le roi de Suède ne put ni faire sortir Wallenstein de ses lignes, ni les prendre de vive force ; la misère, les maladies l’obligèrent enfin à décamper. Le vieux condottiere avait lentement usé son ennemi, en l’empêchant de combattre : Gustave-Adolphe reprit le chemin du Danube vers Donawerth pour nourrir ses troupes, faisant mine de menacer les états héréditaires de l’Autriche ; mais Wallenstein, fidèle à son plan, ne le suivit point et marcha contre la Saxe. Il n’avait pas eu beaucoup de peine au début de la campagne à rentrer à Prague, et il n’avait qu’à regret pris le chemin de Nuremberg ; il se sentait plus libre désormais depuis qu’il avait tenu tête à Gustave-Adolphe et l’avait forcé de déguerpir. Il prit Bamberg, Baireuth, Cobourg, incendia Plauen, et entra le 1er novembre dans Leipzig. Il attira enfin le roi de Suède de son côté ; celui-ci avait quitté le Danube et retournait vers le nord. Il passa par Arnstadt, entra, le 7 novembre, à Erfurt et arriva le 11 à Naumbourg. Il commençait à se sentir inquiet de l’avenir : de sombres pressentimens l’assiégeaient. Il repoussait les hommages des populations, qui, dans certaines villes, le recevaient comme un libérateur. A Naumbourg, où la foule baisait ses vêtemens, il dit d’un air chagrin : « Je crains que le ciel ne me réserve quelque malheur, car ces gens m’honorent comme un Dieu. » Il sentait la trahison tendre partout des pièges autour de lui. L’électeur de Saxe commençait à vaciller ; il tenait son armée isolée pour pouvoir au besoin imposer sa médiation. Le roi de Suède se sentait perdu, s’il ne frappait ses amis comme ses ennemis de terreur : il avait besoin de continuellement vaincre.