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celui-ci exigeait que la ligue catholique licenciât toutes ses troupes. Enfin arriva le marquis de Brézé, dont nous avons parlé plus haut. Celui-ci était chargé particulièrement d’inviter le roi de Suède à ne point tourner ses armes sur l’Alsace, parce que la couronne de France se réservait de reprendre cette province. On a quelque peine à le croire, mais le Suédois se montra en cette circonstance fidèle à cet empire, qu’il outrageait pourtant sans relâche depuis plus d’un an. Il osa répondre à l’ambassadeur du roi de France qu’il était entré en Allemagne comme protecteur de l’empire et qu’il n’en laisserait détacher aucune province. Il ne modifia même pas ce langage, quand M. de Brézé lui offrit un concours plus actif de la France et lui proposa de faire avancer en Allemagne l’armée française réunie en Lorraine.

Cette négociation nous montre à nu le cœur du Suédois, de race germanique, subissant encore le prestige de l’empire alors même qu’il en prenait les villes, aimant mieux se servir de l’or français que d’une armée française, un peu trop attaché à la cause protestante pour entrer complaisamment dans les vues ambitieuses, d’un prince de l’église. Vis-à-vis de la ligue, il se montra intraitable ; il lui fit acheter la neutralité par les plus dures conditions. Quand l’ambassadeur anglais lui par la de rétablir le palatin, le gendre de Jacques Ier, le prince dont les malheurs avaient ému peu d’années auparavant tout le monde protestant, le roi de Suède lui demanda un traité d’alliance formel contre l’Espagne et une armée de 12,000 Anglais. L’ambassadeur n’avait pas de pouvoirs suffisans. « Alors, lui dit le roi de Suède, vous venez trop tard. Ne parlez plus de rétablir le roi de Bohême. Dans mon traité avec la France, j’ai reconnu la neutralité du duc de Bavière, et je ne puis lui enlever ni la dignité électorale palatine ni le haut palatinat. » Le pauvre palatin n’en continua pas moins à suivre comme une ombre le roi de Suède pendant la campagne de 1632. Richelieu, à propos de ce même palatin, écrivait dans les instructions données à M. de Brézé : « Il faut porter le roi de Suède, autant qu’on pourra, à aller promptement attaquer la maison d’Autriche en Bohême, Autriche et autres pays héréditaires. Mais il est nécessaire aussy que le Palatinat en-deçà du Rhin soit nettoyé des Espagnols. Or d’autant que la légèreté et la faiblesse du palatin doit faire appréhender que, s’il l’avoit dès cette heure entre les mains, il ne le gardast pas, ou en usast mal, il semble qu’il suffît que le roy de Suède en promette la restitution par l’accord général qui se fera en la diette et cependant le garde. »

La prétention de Richelieu était de donner au roi très chrétien le rôle de pacificateur en Allemagne ; il aurait désiré que le roi de