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désiraient, se seraient réunis aux catholiques pour le chasser. » Il n’était pas très facile à Gustave-Adolphe, même après la bataille de Leipzig, de marcher sur Vienne ; il n’avait pas gagné tout seul cette bataille ; sans les Saxons, il n’aurait pas pu vaincre Tilly : aussi dut-il pour ainsi dire partager l’échiquier militaire de l’Allemagne avec l’électeur de Saxe ; lui laissant la Bohême, il dut se jeter sur les parties occidentales de l’empire. L’occupation des électorats ecclésiastiques du Mein et du Rhin lui permettait de donner de bons quartiers à son armée et de se saisir de gages importans, à l’aide desquels il se promettait d’obtenir une paix avantageuse de l’empire. Mais en se portant du côté de ces provinces, le roi de Suède risquait de ne plus donner contentement à la France, son alliée. Richelieu suivait avec un extrême intérêt les affaires d’Allemagne. Il avait donné, le 27 octobre 4631, à Charnacé, un pouvoir « pour traiter avec le roi de Suède et autres princes protestans, en conséquence de la neutralité, » et un autre pouvoir le lendemain « pour traiter avec les princes de la ligue catholique. » Le détail des affaires d’Allemagne était particulièrement confié au père Joseph.

Après la bataille de Leipzig, Gustave-Adolphe était entré à Erfurt, ville qui dépendait de l’électorat de Mayence. Il y mit pour lieutenant Guillaume de Weimar et marcha ensuite sur Wurtzbourg, en passant par la forêt de Thuringe. Le prince-évêque s’était enfui, et le roi de Suède entra sans grande difficulté dans la ville et dans le château. Les nombreux couvens de la Franconie et leurs trésors furent distribués aux officiers suédois ; les soldats eurent leur part, ils vendaient des vaches pour un thaler, des moutons pour quelques sous. Le pays, regorgeant de richesses, fut en quelques semaines pillé de fond en comble.

Le roi de Suède, marchant ensuite sur le Rhin, prit toutes les villes qu’il rencontra et arriva devant Francfort-sur-le-Mein. Aux envoyés de la ville qui vinrent parlementer avec lui il répondit impérieusement que, depuis l’île de Rugen jusqu’au Mein, il avait trouvé les clés de toutes les forteresses. « C’est moi qui suis maintenant pour vous l’électeur de Mayence. Je vous donnerai une absolution aussi valable que la sienne. Je voudrais pouvoir vous épargner, mais l’Allemagne est un malade qui ne peut être guéri que par de violens remèdes. Je le vois bien, vous voudriez me tendre seulement le petit doigt, mais il me faut toute la main. » Il fallut donner toute la main ; le roi entra dans Francfort et se prépara à tomber sur Mayence : les alliances venaient maintenant en foule, tout le monde traitait avec le jeune roi, George de Hesse-Darmstadt, la ville impériale et libre de Nuremberg. Tilly voulut