Le faubourg Saint-Germain boudait résolument ; là, le roi des Français était appelé Philippe et le plus souvent : « le monsieur du Palais-Royal ; » les grands hôtels semblaient déserts, on vivait sur ses terres, en province, et l’on ne revenait guère à la ville que pendant deux ou trois mois. Les salons de l’aristocratie étant fermés, ce serait se tromper que d’en conclure que l’on s’ennuyait à Paris ; jamais au contraire « les grelots de la folie » n’y retentirent avec plus d’éclat. Après les journées de juillet, la France eut une explosion de jeunesse, que le choléra de 1832 fut même impuissant à tempérer. Si le faubourg Saint-Germain avait clos ses volets, la chaussée d’Antin avait ouvert ses portes toutes grandes, et l’on s’y précipitait pour danser la galope, qui eut autant de vogue que la polka devait en obtenir quatorze ans plus tard. Comme au temps du directoire, on dansait partout et l’on installait en plein air des concerts publics où l’on allait prendre place pendant les soirées d’été. J’ai vu naître le concert Musard, aux Champs-Elysées, dans la partie qui prolonge actuellement la rue Boissy-d’Anglas. C’était fort modeste ; on s’asseyait sur de grosses chaises en écorce de tilleul autour d’un orchestre abrité par une tente de toile. On s’y pressait pour écouter deux virtuoses qui eurent leur minute de célébrité : Collinet, un petit bossu que l’on avait surnommé le rossignol du flageolet, et Dufresne, un assez beau garçon blond, toujours militairement sanglé dans une redingote bleue et qui ravissait d’aise les Parisiens en leur faisant connaître, pour la première fois, tout ce que le cornet à piston peut contenir de notes désagréables. C’est de là, c’est de cette pauvre petite tente qui ne garantissait les exécutans ni contre les ondées, ni contre la fraîcheur, que sortirent tous les concerts dont Paris s’engoua pendant quelques années : Valentino, Vivienne et le Jardin Turc, où Jullien jouait la Marseillaise avec accompagnement de coups de pierriers, pendant que la foule, massée dans les contre-allées du boulevard, hurlait le refrain qui l’a toujours rendue folle.
Ce fut le grand moment des bals masqués ; dès que le carnaval approchait, les salles de théâtre, les salons des restaurans étaient convertis en salles de bal. Le bal des Vendanges de Bourgogne réunissait « de francs lurons et de joyeux drilles » qui se livraient à des excentricités, pour pas ne dire plus, dont les mères de famille ne parlaient qu’à voix basse et en se voilant les yeux ; le bal des Variétés, où la gaîté dégénéra plus d’une fois en orgie, attirait les fils de famille, — les lions ; — on s’y colletait avec la police on y rossait les exempts, et l’on y menait parfois la licence jusqu’au point où elle est recueillie par la police correctionnelle. Une nouvelle, — un chef-d’œuvre, — d’Alexandre Dumas, les Suites d’un bal masqué,