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du lendemain. L’auteur du Péril national le dit avec raison peut-être : Les événemens de 1871 semblent plus oubliés que ne l’ont été pendant longtemps les événemens de 1815, — et cependant on peut voir, par cette Correspondance inédite du prince de Talleyrand et du roi Louis XVIII, qui vient de paraître, ce que la France avait promptement retrouvé de crédit et d’autorité, même au lendemain d’une défaite, en plein congrès de Vienne. Nous nous contentons de moins aujourd’hui : « Nous ne sommes plus humiliés, nous ne sommes plus inquiets, bien que nous ne sachions pas au juste pourquoi nous sommes rassurés. » M. Raoul Frary, et c’est son honneur, est de ceux qui ne croient ni le péril passé, ni la France suffisamment réparée, ni le moment venu de s’endormir dans une béate satisfaction. Est-ce à dire qu’il ait l’idée de raviver tous les sentimens belliqueux et de pousser la France à s’armer pour de prochaines revanches ? Non certes, il veut simplement dire qu’il y a un danger toujours présent sur lequel on fermerait vainement les yeux, et qu’un pays comme la France a pour de voir de ne pas se laisser surprendre par des crises nouvelles, qui, cette fois, pourraient être mortelles.

Où donc est ce péril national que l’auteur signale avec une émotion généreuse, avec une sorte de fixité patriotique, et quels sont les moyens de le conjurer ? Le péril, c’est bien certain, il est dans la situation vulnérable qui a été faite à la France par d’immenses désastres, et quant aux moyens de le détourner, ils sont de diverse nature. Le premier de tous les moyens, le plus immédiat du moins, c’est sans doute que la France reste toujours en mesure de se défendre, qu’elle ait une puissante organisation militaire, une armée prête à combattre pour sa dignité comme pour son intégrité. Le second moyen, si l’on veut, c’est qu’il y ait une diplomatie saisissant toutes les occasions pour maintenir ou relever le crédit extérieur de la France dans tous les pays. Oui, assurément, il faut toujours en revenir là : une nation comme la nôtre ne peut rien, elle ne peut même se flatter de garder son rang traditionnel parmi les peuples, si elle ne commence par s’assurer toutes les ressources de la puissance militaire et d’une action diplomatique habilement, prudemment conduite. Seulement, si l’on nous passe cette expression, la puissance militaire et le crédit diplomatique ne sont qu’un résultat, et pour que la France soit forte par les armes au jour du combat, pour qu’elle soit écoutée dans les conseils de l’Europe, la première de toutes les conditions, c’est qu’elle soit libre dans l’action, qu’elle ne soit pas dévorée de divisions intestines. Cela veut dire, en d’autres termes, que le grand secret est encore dans la politique intérieure, que selon la direction de cette politique la nation peut se trouver disponible et compacte devant tous les dangers ou affaiblie d’avance par les luttes stériles. L’auteur du Péril national exprime une idée aussi juste que prévoyante ; il dit que, si on avait le sentiment profond de la situation du pays, des épreuves auxquelles il peut encore être soumis, des