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famille qui se trouve favorisée ainsi, est-ce le cabaret, le grand électeur au temps ?

Et le dégrèvement des sucres, à qui va-t-il surtout profiter ? Aux consommateurs, ce qui est parfait, mais encore plus aux raffineurs, qui sont d’honorables industriels sachant faire tourner les choses à leur profit légitime. Ce n’est certes pas eux que l’Ecclésiaste entendait désigner par ces mots : « Il y a des raffineurs qui se rendent odieux à tout le monde. Il y en a qui sont sages pour eux-mêmes, et les fruits de leur sagesse sont fidèles dans leur bouche[1]. » Mais ne doit-on pas reconnaître que l’avantage tiré de ce dégrèvement est bien minime pour la culture ?

Les faibles surélévations de droits résultant du compromis de la chambre et du sénat ne sauraient en rien modifier la situation. Tout ce qu’on a dit, voulu, fait ou paru vouloir faire en faveur de l’agriculture reste notoirement insuffisant ; aussi est-il inévitable qu’un découragement profond et justifié vienne paralyser de plus en plus les efforts tentés par les agriculteurs dans la pénible lutte qu’on leur impose. L’inégalité flagrante de la situation douanière pourrait se résumer ainsi : libre échange alimentaire infligé à l’agriculture, protection accordée à l’industrie urbaine.


NOAILLES, DUC D’AYEN.

  1. Bossuet, Politique tirée de l’Écriture sainte, Ecclésiaste, XXIII.