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il est évident que tout ce qui est importé dans un pays est exporté d’un autre ; ce qui entre quelque part est sorti d’ailleurs ; et il ne peut entrer nulle part une quantité de produit qui ne soit sortie en quantité égale de quelque autre endroit. Prenez le compte général des importations et des exportations du globe, faites le tour du monde économique, et vous trouverez que les nations modernes font approximativement pour 30 milliards d’importations au moins et pour 22 milliards seulement d’exportations environ ; différence : 8 milliards par an. Comment cela se fait-il ? Un navire ou un train part du lieu d’exportation avec un chargement de marchandises d’une valeur de 100,000 francs et, en arrivant au lieu d’importation, débarque pour 130,000 francs de marchandises, si l’on en croit les relevés de la douane et de la statistique. Cette différence dépasse évidemment de beaucoup les frais ordinaires de transport. L’importation fait donc des petits en route, tandis que l’exportation perd du monde en voyage. Voilà le mystère, car l’importation et l’exportation se composent de la même cargaison, du même chargement, du même produit qui prend deux noms différens, l’un au point du départ, l’autre au point d’arrivée ; mais ces deux noms s’appliquent au même objet identique, dont les poids et les quantités sont exactement les mêmes, qu’on le considère comme exporté ou importé. La valeur peut être différente à cause des frais de transport et de la plus-value ordinaire provoquée par la demande. Toutefois, en bloc, l’importation doit être sensiblement égale à l’exportation, puisque l’une comme l’autre porte sur un objet identique et que, d’après les principes professés par la science, il faut pour payer un produit importé donner en échange un autre produit exporté de valeur égale. L’égalité ou l’équivalence devrait donc se retrouver aussi bien en valeur qu’en importance dans la réalité, quoique non apparente dans la comptabilité douanière.

On nous a cité l’Angleterre comme l’irréfutable spécimen du triomphe de ce principe établissant que le gage, l’instrument et la condition de la richesse nationale était la supériorité de l’importation sur l’exportation. Mais la situation de l’Angleterre est celle d’un riche particulier dont la grosse fortune est établie depuis longtemps et qui, pour s’occuper et faire vivre autour de lui une nombreuse clientèle rurale et urbaine, entreprend un grand faire-valoir agricole en même temps qu’une vaste manufacture. Il perd sur les deux établissemens ou sur un seul, plus ou moins, chaque année, mais comme il a de fortes rentes sur l’état, sur les chemins de fer et sur les fonds étrangers, il solde facilement la différence en perte, vit largement, répand le bien autour de lui sur les populations environnantes. Il en est de même pour les nations riches qui importent plus qu’elles n’exportent. L’Angleterre est précisément