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à liquider une énorme dette nationale, phénomène aussi heureux que rare dans l’histoire. Les Américains, sans faire de haute science économique et financière, ont judicieusement établi leur raison sociale sur ces trois bases : 1° le paiement immédiat de la dette ; 2° les droits de douanes largement fiscaux et protecteurs ; 3° l’excès des exportations sur les importations, — et ne rougissent pas d’en tirer d’immenses profits publics et privés.

Les Américains, dira-t-on, ne sont pas unanimes à se féliciter de leurs lois protectionnistes rigoureuses. Sans doute, mais la forte majorité nationale est du côté de la protection, sincèrement, par intérêt justifié ou non, en dehors des influences factices de l’esprit de parti.

Le parti démocrate lui-même a été récemment obligé de se montrer moins libre-échangiste que par le passé. Quoi qu’il en soit, c’est le parti républicain qui, aux États-Unis, tient en main le drapeau protectionniste. Il considère les droits de douane comme le plus large, le plus fécond et le moins onéreux des impôts indirects pour les habitans et comme une taxe qui pèse pour une part quelconque sur les producteurs étrangers, tout en protégeant l’industrie nationale.

Remarquons seulement que les importations faites en Amérique, sauf les boissons de luxe, ne comprennent aucune denrée alimentaire et pas un grain de blé, ce qui diminue singulièrement les périls de la protection douanière en cas d’erreur.

Le parti démocrate et les habitans du Sud et de l’Ouest des États-Unis, qui sont libre-échangistes, protestent plus ou moins. Leurs intérêts et leur situation les y poussent naturellement. Car, étant de simples producteurs agricoles, leur plus grand désir est de se procurer au meilleur marché possible les produits de l’industrie étrangère ou indigène. Toutefois leurs protestations et leur influence ne sont pas assez fortes pour s’opposer au triomphe écrasant du système protecteur, dont le patriotisme ou l’intérêt général du pays paraissent assurer la durée et le succès ; on est donc justifié de classer nettement les États-Unis comme protectionnistes avérés. Dans une étude aussi succincte que celle-ci, on ne saurait s’arrêter aux nuances et aux explications détaillées ; les grandes lignes, les grosses majorités et les courans dominans doivent seuls être signalés. Cette remarque s’applique également à ce qui va être dit de la France, de l’Angleterre et des autres contrées.

Quoi qu’il en soit, nul ne saurait contester qu’une protection rigoureuse et exagérée permet à l’industrie américaine démonter une foule de fabriques indigènes qui ne pourraient ni naître ni vivre en libre concurrence avec les établissemens similaires