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Ce sont là des points de détail qui s’imposeront tôt ou tard à notre examen si nous voulons avoir des établissement sérieux dans le Sahara algérien. Au point de vue d’ensemble du chemin de fer transsaharien que nous devons surtout viser, la question particulière des eaux potables est une question de premier ordre que les ressources de l’industrie moderne nous permettront de résoudre facilement et qu’il ne faudrait pas confondre avec la question plus générale de l’approvisionnement de l’eau.

Les explications qui précèdent démontrent, en effet, que l’eau naturelle est loin d’être aussi rare qu’on le suppose dans l’ensemble du Sahara. Quelques régions particulières, quelques hamadas ou plateaux élevés sont, il est vrai, complètement dépourvues d’eaux de toute espèce ; mais ce ne sera qu’une affaire de quelques tuyaux et de quelques machines pour pourvoir à leur approvisionnement spécial lorsqu’on devra les franchir. Ce ne sera d’ailleurs que l’exception. Toutes les considérations possibles s’accordent, en effet, à démontrer que tant qu’il ne s’agira que d’établir une artère de jonction unique reliant l’Algérie au Niger, on devra s’attacher à suivre de préférence le tracé des grandes vallées qui, du sud au nord et du nord au sud, traversent l’étendue du désert, vallées sèches à la surface, mais recelant dans leur sous-sol des ressources en eaux naturelles suffisant largement non-seulement à tous les besoins domestiques des populations et au service de la voie de fer, mais, dans une certaine mesure, à une large extension des irrigations agricoles qui existent sur tout le parcours de ces vallées et qui pourraient être énormément développées.

Pour se convaincre de l’étendue de ces ressources négligées ou cachées, il suffit de jeter un coup d’œil en passant sur les innombrables ruines romaines qui s’alignent sur toutes les routes du Sahara, indiquant l’ancienne existence en ces lieux, aujourd’hui si déserts, de populations nombreuses, civilisées, qui devaient trouver à y vivre dans des conditions de sol et de climat analogues et probablement identiques à celles de notre temps. Ces vestiges d’une civilisation éteinte, que douze siècles de sauvage barbarie n’ont pu entièrement effacer du sol, ne tarderont probablement pas à disparaître ; pans de murs, angles de fondations, pierres de taille éparses que l’on rencontre encore si nombreux sur la route de Batna à Bîskra, serviront bientôt sans doute de matériaux pour la construction du chemin de fer. Au point de vue de l’art, on n’aura pas, il est vrai, grand’chose à regretter de cette dernière transformation. La vue de ces débris informes, tels qu’ils subsistent encore, n’en doit pas moins être pour nous d’un grand enseignement. Nous pouvons y puiser une légitime espérance dans l’avenir de nos efforts en même temps qu’y trouver un pénible rapprochement.