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partage, l’aspect des terrains est le même, et cette disposition similaire a cela de particulier, qu’un chemin de fer doit toujours franchir le faîte à niveau, sans tunnel ni tranchée. Mais quand on s’éloigne du sommet, les conditions géologiques ne tardent pas à devenir dissemblables. Tandis que, dans le Lauraguais, la différence d’altitude entre le sommet et Toulouse n’étant que de 50 mètres, la vallée se raccorde par une pente insensible avec celle de la Garonne ; sur l’Oued-Biskra, la différence de hauteur, atteignant plus de 1,100 mètres, est en grande partie rachetée par un saut brusque, un profond affaissement, au-delà duquel la rivière, prenant un cours torrentiel, tantôt s’engouffre dans des gorges escarpées, tantôt s’étale à travers de vastes plaines d’alluvions modernes, avant de rejoindre la grande artère pluviale de l’O.-Djédi, où finit son cours.

Il résulte de cet état des lieux, qui se reproduit sur tout le versant saharien, que si, faute de pluies suffisantes, les crues sont rares et de peu de durée, les eaux y sont en revanche chargées à saturation de matières limoneuses dont nos rivières réputées comme les plus riches en alluvions ne sauraient nous donner une idée. Ce ne sont pas des eaux troubles, mais de véritables boues liquides que charrient les torrens du Sahara ; et comme les rivières dans lesquelles ils se déversent n’aboutissent pas à la mer, que la plupart même n’atteignent pas les bas-fonds des lagunes intérieures, on peut comprendre la masse énorme d’alluvions que ces Nils éphémères doivent laisser déposer sur leurs rives.

Aux environs de Laghouat, sur l’O.-Djédi supérieur, c’est par milliers d’hectares que l’on compterait la surface de ces terrains, sur lesquels pourraient se continuer les cultures de l’oasis si les eaux étaient assez abondantes pour en assurer l’irrigation. Dans la partie inférieure de la même vallée, de Biskra à Saada, la traversée des alluvions de la rivière n’a guère moins de 20 kilomètres de largeur.

Ce fait de l’incomplète érosion des terrains meubles sur les sommets des versans sahariens, est une preuve de plus, jointe à bien d’autres, qu’on peut alléguer contre l’existence de la prétendue mer intérieure qui, dans le courant de notre époque géologique, aurait été en communication avec la Méditerranée, alimentée par le fleuve Triton des géographes latins, qu’on a voulu retrouver dans l’Igharghar ou l’O.-Djédi.

Il est aisé de comprendre en effet ce qui aurait dû se produire si de tels fleuves avaient existé, entretenus par des pluies régulières analogues à celle de nos climats de la zone tempérée. Les bas-fonds marécageux des steppes algériens se seraient remplis en formant de lacs permanens qui auraient fini par déborder et s’ouvrir