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et accueilli comme un porteur de bonnes nouvelles ! » — Un autre orateur, l’un des plus habiles de l’assemblée, revenant à la charge et reprenant ces raisons, les développa dans un puissant discours que notre journal et d’Ormesson, à défaut de Retz, ont en partie reproduit. C’était ce président de Mesmes, déjà cité pour l’exclamation dont il avait accablé un prince du sang, oublieux de sa naissance et traître à son devoir. Il partagea avec Mathieu Molé l’honneur de cette journée.

Magistrat savant et intègre, esprit délié, caractère timide, M. de Mesmes passait pour un « Mazarin, » et penchait, en effet, vers le parti de la cour. Ce n’est pas qu’il eût déserté la cause commune, ni qu’il fit bon marché des droits du parlement. Dans une occasion récente, apprenant l’exil de plusieurs magistrats, il s’était écrié en pleine assemblée : « Il est temps, messieurs, puisque nous voyons nos robes déchirées et que les chemins sont remplis d’officiers chargés de chaînes et de fers, qu’on nous présente à nous-mêmes aujourd’huy pour nous intimider, oui, il est temps que nous délibérions avec vigueur et que nous cherchions tous les moyens d’empescher le cours de ces violences et d’assurer nostre liberté aussy bien que nos fortunes particulières ; » mais il était de ces hommes qui n’aiment que le commencement des troubles et qui reculent devant les conséquences qu’ils n’ont pas su prévoir. La guerre et la sédition lui avaient gâté la fronde ; il en voulait au parlement de s’être donné des alliés si compromettans. Fort écouté dans les discussions des chambres réunies, surtout quand il débrouillait, avec une compétence sans pareille, l’obscurité des questions de droit public, son crédit, cependant, n’égalait pas son talent : il était rare que l’avis qu’il ouvrait ou qu’il soutenait prévalût. Jamais ce harangueur disert ne fut mieux inspiré et ne toucha d’aussi près à l’éloquence que le jour où il combattit l’admission de l’envoyé espagnol. Il fit merveilles, » selon d’Ormesson, qui entendit son discours, et dont le témoignage est confirmé par l’opinion et par les citations de notre journal. « Cette discussion, messieurs, est une crise de l’état, et marque l’un des plus importans momens de la monarchie ; le salut de la France en dépend. Vous me pardonnerez si mon discours heurte l’avis du plus grand nombre, et s’il est mal poly ; je n’ai été informé qu’en entrant de l’affaire en délibération… Supposons, je le veux bien, que le dessein du roy d’Espagne ne soit pas de jeter de l’huile sur le feu qui s’allume en France pour nourrir la guerre et la rendre irréconciliable ; supposons que sa proposition soit bonne et son intention sincère ; pouvons-nous donc sans crime traiter avec l’ennemy déclaré du roy ? » — À ce mot traiter, un murmure l’interrompit ; plusieurs voix