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coloris. On a souvent prétendu que le Corrège avait imité Léonard dans la science du clair-obscur. Nous citerons encore un passage remarquable du livre de Mme Mignaty, qui signale une différence entre les procédés techniques des deux grands coloristes : « Léonard, sous sa science admirable, a le trait dur et souvent incertain de celui qui cherche le vrai par tâtonnement. Ses modelés sont faits d’ombres fuyantes, d’un beau relief, mais sombres et sévères de couleur. Son coloris manque de cette variété qui anime le visage humain vu en pleine lumière, dans toutes les nuances de sa fraîcheur. Chez le Corrège, au contraire, le clair-obscur des formes ressort sur ses fonds lumineux avec toutes les gradations qu’indique la nature vue au grand jour, c’est-à-dire colorée dans le fuyant des ombres et possédant par cela même le charme impérissable du parfait naturel. Il excelle encore par la fraîcheur et la sûreté du trait. Ce trait inimitable prête sa magie à ses tableaux, donne le duvet aux joues fleuries de la jeunesse, le poli aux membres ; il donne aux lèvres l’épanouissement de la rose entr’ouverte et l’éclat de la vie à l’œil souriant. À ces charmes de beauté, de grâce et de fraîcheur ajoutons l’inimitable perfection qu’il sut donner à la chevelure humaine. Cette chevelure qui entoure ses têtes d’anges et de femmes, qui flotte en ondes dorées sur le cou et les épaules de ses déesses est d’un tissu blond, soyeux, aérien, et semble caresser de ses boucles légères le sein de ses nymphes et le cou de ses beaux enfans. »

Si les tableaux du Corrège sur des sujets chrétiens nous attirent par la poésie de l’âme, ceux qui s’inspirent de la mythologie grecque nous fascinent par une séduction intense. Quelquefois sans doute il tombe dans la manière par une certaine grâce efféminée, mais vers la fin de sa carrière son style gagne en largeur, se plie à toutes les nuances du sentiment. Partout il est maître psychologue. Il sait peindre également la candeur virginale dans Sainte Catherine et l’âpre convoitise dans Jupiter et Antiope, la tendresse sensuelle d’une Léda et les ardeurs brûlantes de l’amour dans l’Io de Vienne. Celle-ci, couchée sur un tertre fleuri est vue de dos ; la tête renversée en arrière se présente de profil ; son beau corps pâmé est comme noyé dans un nuage sombre qui descend sur elle. Des roses y pleuvent, un fluide électrique y circule, et l’on aperçoit vaguement la tête de Jupiter dont la bouche est collée sur celle de la nymphe. On n’a jamais osé davantage sans sortir de la grâce. Toute la toile brûle et frissonne ; mais le charme sauve l’audace ; le feu de la passion a consumé la volupté elle-même. C’est une ode de Sapho en peinture. — Le dernier tableau du maître est la Madeleine de Dresde. Le Corrège devait unir par une note apaisée. Cette jeune femme couchée dans sa caverne, une draperie bleu sombre roulée